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de la part de l’empereur un démenti énergique et la plus rude des réprimandes. En 1809, après la paix de Schœnbrunn, cette pensée de divorce n’était plus seulement la pensée de Fouché ; l’empereur y inclinait de jour en jour, et, comme il s’attendait à une opposition très vive de ses plus fidèles conseillers, il ne lui convenait pas d’éloigner en ce moment un ministre tout prêt à l’approuver.

Ces tristes scènes du divorce ont trouvé dans Philippe de Ségur un historien attentif et noblement ému. En racontant après tant d’autres ce douloureux épisode, il a pu y ajouter des détails que sa situation au palais de Fontainebleau lui a permis de voir de ses yeux ou de recueillir de première main. Il donne aussi, à titre de témoin, de curieux renseignemens sur l’arrivée de Marie-Louise en France. A la fin du mois de février 1810, il fut envoyé en Bavière avec la reine de Naples et un détachement choisi de la cour future. « Notre mission, dit-il, était d’y recevoir et de ramener en France la nouvelle impératrice. On connaît le récit officiel de cette remise. Elle eut lieu le 16 mars. La veille ou le lendemain de cette cérémonie, il y eut une réunion des deux cours dans une maison de la citadelle de Braunau, notre conquête. Le seul souvenir sérieux qui m’en soit resté, c’est que les hommes de ces deux cours, demeurés debout, se mêlèrent et échangèrent des paroles convenables, tandis que je ne vis jamais cercle de femmes assises dans une attitude plus contrainte : réunion sans rapprochement que guindèrent la froide raideur et la hautaine taciturnité des dames autrichiennes. Elles nous livrèrent ce dernier gage de défaite avec une mauvaise grâce que leurs maris, fatigués de guerre, ne montrèrent point… Nous retraversâmes la confédération germanique au milieu des réceptions les plus pompeuses, ramenant triomphalement cette conquête qui semblait consolider toutes les autres. Ce fut le 18 mars et dans Strasbourg que la France à son tour l’accueillit. L’enthousiasme sur cette frontière allemande et toute militaire fut d’autant plus vif, plus vrai, plus universel, qu’on voyait dans Cette archiduchesse le trophée le plus éclatant de la gloire de nos armes, et qu’on y crut voir, après dix-huit ans de guerre, le gage d’une paix cette fois enfin assurée. »

La paix enfin assurée après dix-huit ans de guerre ! Ségur n’était pas dupe de cette espérance. Aucun des symptômes des années 1810 et 1811 ne lui échappe. Quand il voit Napoléon réunir la Hollande à son empire, y ajouter encore le Lauenbourg, les villes anséatiques, le Valais, donner le Hanovre au roi de Westphalie avec promesse d’y joindre Magdebourg, créer le grand-duché de Francfort pour le prince Eugène, annoncer l’intention de s’annexer l’Espagne jusqu’à l’Èbre, il est bien obligé de dire qu’un tel empire a cessé d’être la