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Le type le plus pur du paysan roumain est celui des montagnards. Moins hâlés par le soleil, plus dégagés, plus robustes et plus laborieux que les habitans de la plaine, ils ont aussi plus d’aisance et prennent plus soin de leurs personnes, de leurs champs et de leurs demeures. Chez les paysans de la plaine, dont les villages ne se composent en partie que de misérables huttes, des altérations notables de la physionomie, des yeux, des cheveux, du teint, accusent souvent une dégénération qu’il faut principalement attribuer au mélange avec les tsiganes. Dans la haute classe aussi, les vicissitudes historiques ont déterminé l’infusion de sang étranger par des alliances nombreuses avec les grandes familles qu’elles ont introduites dans le pays. En effet, beaucoup de ces familles sont d’origine grecque ou albanaise, comme les Ghika, ou même hongroise, comme les Stourdza et les Balsch, et déjà l’ami de Pierre le Grand, le prince Gantémir, se glorifiait d’une souche tartare. Ce sont les terminaisons en esco ou ano qui caractérisent les noms d’origine roumaine pure.

A côté des Roumains, environ 300,000 tsiganes ou Rômes vivent sédentaires ou à l’état nomade dans toutes les parties du pays. Longtemps serfs, ils étaient dans une condition pire que celle des paysans. Beaucoup d’entre eux exercent les métiers de forgerons, de maréchaux-ferrans, de boisseliers, de vanniers, de maçons ou de manœuvres voués aux plus pénibles travaux, pour lesquels leurs femmes et leurs enfans préparent et apportent les matériaux. Ce sont les parias de la tribu. Aussi que l’on ne s’étonne pas trop d’apprendre qu’ils sont parfois voleurs et vindicatifs. Beaucoup moins à plaindre sont ceux que l’on rencontre comme domestiques dans les maisons des particuliers, où ils servaient autrefois à titre d’esclaves, et où l’on fait cas de leur talent de cuisiniers. En Roumanie comme en Hongrie, les tsiganes sont d’ailleurs les musiciens par excellence; nés tels, la plupart d’entre eux jouent de mémoire tout ce qu’ils ont entendu, sans même connaître les notes.

A l’immigration roumaine du dehors, favorisée par les lois de l’état, qui accordent à tous les Roumains indistinctement de grandes facilités pour la naturalisation, les Transylvains fournissent le contingent principal. On compte en outre dans le pays environ 90,000 Bulgares, Serbes et autres Slaves, 10,000 Grecs, indépendamment de ceux qui sont déjà naturalisés roumains, 50,000 Hongrois et Szeklers, enfin une multitude toujours croissante d’étrangers de toutes les nations de l’Occident, dont on ne saurait évaluer le nombre à moins de 50,000. A titre de coreligionnaires, les Bulgares, essentiellement laborieux, et les Serbes, très entendus en affaires, trouvent chez les Roumains un accueil non moins favorable que les Grecs. Ce sont généralement de robustes et bons cultivateurs,