aussi facilement réalisable qu’on le croirait, et elle pourrait avoir assez promptement dans la pratique des conséquences d’une gravité imprévue, difficile à mesurer d’avance. Elle conduit sur un chemin scabreux. Toujours est-il que, si l’idée a pu naître un instant d’une certaine impatience ou d’un certain découragement, elle n’est pas allée bien loin, et elle est devenue au contraire le point de départ de tentatives plus énergiques pour reprendre les combinaisons abandonnées pendant quelques heures. C’est un des derniers personnages appelés qui paraît avoir eu un rôle actif dans cette phase nouvelle en conseillant à M. le président de la république d’épuiser tous les moyens, de faire venir M. Bocher pour le charger de former un cabinet.
M. Bocher n’avait point refusé le ministère de l’intérieur pour accepter deux ou trois jours plus tard la direction des affaires avec la vice-présidence du conseil. Ni les encouragemens les plus flatteurs, ni les sollicitations ne lui ont manqué ; il a même été chaleureusement pressé, par qui ? par M. Gambetta, qui lui a offert sans marchander son concours et celui de ses amis de la gauche. Le président du centre droit ne s’est point laissé ébranler, il a résisté à tout. Les raisons qui l’avaient retenu trois jours auparavant n’avaient point évidemment perdu leur puissance ; mais, s’il a tout refusé pour son propre compte, il a résolument accepté le rôle de médiateur, la mission de renouer tous les fils de ces négociations si souvent et si tristement interrompues. Il s’est établi à Versailles pendant une partie de la journée du 10 et il s’est mis à l’œuvre avec autant de décision que de tact, reprenant les pourparlers avec les chefs du centre gauche, demandant ses dernières conditions à M. Buffet qui présidait en ce moment l’assemblée, conférant avec tout le monde, avec M. Gambetta pour assurer au cabinet qu’il travaillait à faire revivre un certain concours de la gauche, et en quelques heures tout a été fini. Ce qui était disloqué depuis le matin s’est trouvé recomposé avant le soir. Un instant, il y a eu encore quelque hésitation, mais la nécessité parlait, le sentiment du péril a décidé les récalcitrans, et c’est ainsi qu’a été constitué le ministère, où M. le duc Decazes, le général de Cissey, l’amiral de Montaignac, M. Caillaux, représentent l’ancien cabinet, où M. Buffet a la vice-présidence avec le ministère de l’intérieur, où M. Dufaure et M. Léon Say occupent la justice et les finances, où M. le vicomte de Meaux enfin figure comme le représentant de la droite résignée à se rallier.
Oui certes, tout cela sent un peu l’effort. Les lois constitutionnelles ont été faites laborieusement, le ministère a eu de la peine à naître ; mais, puisque tant de choses faites lestement, avec une apparence de simplicité facile, avec une grande correction de logique, ont eu un mauvais sort, peut-être nos combinaisons plus modestes, qui n’ont pas ces beaux défauts des œuvres d’art bien combinées, auront-elles néan-