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langage d’un gouvernement de parti ou de combat. Il ne peut pas dire à une administration placée sous ses ordres qu’il se méfie d’elle et qu’il met en doute ses services. Il ne peut pas annoncer qu’il va tout changer, tout abroger et tout réformer. Pour tous les esprits réfléchis, le point, le seul point important, parce que là se dessine et se précise le caractère du nouveau cabinet, c’est cette partie de la déclaration qui dit : « C’est avec confiance que nous renouvelons l’appel patriotique adressé par M. le président de la république aux hommes modérés de tous les partis… Nous avons le devoir d’assurer aux lois constitutionnelles que l’assemblée nationale a adoptées l’obéissance et le respect de tous. Nous avons la ferme volonté de les défendre contre toute menée factieuse… » Après cela, le reste est assez secondaire et reçoit son véritable sens de cette partie de la déclaration. Le but est tracé, la raison d’être du ministère est définie ; les partis savent qu’ils ne peuvent plus se livrer impunément à l’ardeur de leurs contestations et de leurs compétitions, qu’ils n’ont pas le droit de mettre en doute une légalité placée sous la sauvegarde de tous les pouvoirs ; le pays sait aussi qu’il a devant lui quelques années de sécurité. Ce n’est point par des paroles, c’est par des faits, par une action attentive et résolue de tous les jours, que se révélera la politique destinée à garantir ces résultats, à caractériser et à féconder la période nouvelle où nous entrons.

Il y a dans la dernière déclaration ministérielle un mot certes bien juste sur le danger des divisions que « l’esprit de suspicion » envenime et que toute administration sage doit tendre à effacer. Le meilleur moyen de désarmer « l’esprit de suspicion, » c’est de ne laisser place dès le début à aucune équivoque. Que le ministère ait tenu à déclarer qu’il n’est point un gouvernement de rancune, que sa politique est essentiellement conservatrice, — que, pour s’assurer des alliés de plus, il ait admis dans son sein un membre de la droite, — que des hommes qui ont appartenu à l’ancienne majorité et qui se sont associés aux transformations récentes attachent quelque prix à ne pas laisser représenter les événemens qui viennent de s’accomplir comme une revanche contre le 24 mai, rien de plus simple ; mais ce serait certainement une dangereuse faiblesse de laisser se propager des méprises sur le sens de ces actes ou de ces paroles. Déjà les bonapartistes se donnent l’air d’être soulagés comme s’ils s’étaient attendus à être rudoyés, et comme s’ils retrouvaient l’espérance. Les légitimistes de leur côté en sont à dire que M. le vicomte de Meaux a été appelé dans le cabinet a parce qu’il a voté contre la république, » de sorte que le ministère se serait donné le plaisir d’avoir toujours auprès de lui une protestation vivante contre l’organisation constitutionnelle dont il est le premier dépositaire, qu’il est chargé de faire respecter ! C’est contre toutes ces équivoques puériles, dangereuses encore néanmoins, que le gouvernement est intéressé à réagir par