que les réquisitions comme les contributions impliquent un dédommagement, que ce sont des emprunts forcés qui appellent une restitution ultérieure, et promettons aux familles que le traité de paix réglera la restitution de leurs avances. Aussi bien le sort des armes est changeant; il se pourrait qu’une armée victorieuse vînt à être battue et qu’elle eût à payer les frais de la guerre. Si les quittances acquièrent une valeur réelle, les officiers qui ordonnanceront des réquisitions que leur gouvernement pourrait être appelé à solder à la paix trouveraient dans une telle clause un avertissement salutaire à la modération. — Le délégué d’Allemagne, M. le général de Voigts-Khetz, a réfuté ce raisonnement en alléguant que la prévoyance des chefs d’armée ne va pas si loin, qu’un officier préoccupé de pourvoir à la subsistance de ses hommes ne s’arrêtera pas à la pensée des suites onéreuses que peut entraîner pour son pays l’acquittement des obligations qu’il contracte, que pour sa part il n’avait jamais rencontré « cet idéal d’officier. » Il ajouta qu’une armée ne peut vivre en campagne des ressources de ses magasins, qu’elle est obligée de s’en procurer d’autres, qu’elle les prend où elle les trouve, qu’au surplus les reçus sont écrits le plus souvent à la hâte et au crayon, qu’il est impossible de discerner une quittance vraie d’une fausse. « En résumé, dit-il par forme de conclusion, nous nous trouvons devant un fait; il ne dépend pas de nous que ce fait n’existe pas, et, quoi que nous fassions, nous ne l’empêcherons pas de se produire dans toutes les guerres. » Ce langage ne manquait assurément ni de sens, ni de clarté; mais le délégué suisse, M. le colonel fédéral Hammer, n’avait pas moins raison de dire que, si la réunion de Bruxelles était destinée à adoucir les terribles sévérités de la guerre, l’Europe verrait avec regret qu’on se bornât à codifier des abus traditionnels. Ce débat démontrait une fois de plus à quelles inconséquences on s’expose quand on prétend transformer en principes les coutumes et les usages de la guerre, qui ne se justifient que par l’impossibilité de les abolir, et c’était le cas de se souvenir de ce mot d’un ancien philosophe qui disait que les lois sont presque toujours inutiles aux gens de bien comme aux méchans, parce que les premiers peuvent s’en passer et que les autres n’en deviennent pas meilleurs.
Ce n’est pas seulement entre les philanthropes et les militaires que la conférence était appelée à prononcer; elle devait résoudre une autre contradiction en conciliant les intérêts des petits états et des grandes puissances, ou, pour mieux dire, en assurant des conditions et des avantages égaux à l’état qui se défend et à celui qui attaque. En dépit des assertions contraires, elle n’a point tenu la balance égale entre ces intérêts opposés, et ses conclusions sont manifestement plus favorables aux envahisseurs qu’aux envahis. La Prusse, avons-nous dit, apportait à Bruxelles un système, et ce système avait eu la bonne fortune d’être