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colons hollandais qui fondèrent Nieuw-Amsterdam en 1614. Depuis, New-York est devenue une ville d’un million d’âmes, et le flot des immigrans lui a fait perdre ou du moins a beaucoup atténué son premier caractère. Saint-Louis n’a pas encore perdu le sien, et la bonne société y est fière du cachet de distinction qu’elle a su conserver. Ses salons ne s’ouvrent pas du reste aisément au voyageur ; on n’est plus ici à Chicago, où les facilités de relations se ressentent de la familiarité des coutumes, et où l’on entre en conversation avec vous dans la rue, dans un lieu public, sans vous connaître. De quelques centres à la fois élégans et policés s’est dégagé comme un rayonnement qui a gagné toute la population de Saint-Louis ; la différence est frappante quand on arrive en une nuit de la métropole de l’Illinois dans celle du Mississipi. Ici commence le sud ; on en a gardé les habitudes aristocratiques, on y avait hier des esclaves, et l’opinion politique qui domine est celle des « démocrates, » alors qu’à Chicago on est plutôt resté fidèle au parti « républicain. »

Pour être de manières cultivées, on n’en est pas moins. Américain. A Saint-Louis pas plus qu’ailleurs, il n’y a d’oisifs ; tout le monde travaille et doit gagner de l’argent. On n’a que l’embarras du choix, suivant la nature d’affaires qu’on veut entreprendre. L’exploitation des mines de houille, de fer, de plomb, les opérations métallurgiques, la vente des bois, des grains, la préparation des farines (la marque de Saint-Louis est la première des États-Unis), la fabrication des vins, entreprise sur les vignobles du pays, l’importation des cotons et des tabacs du sud ou bien du bétail, le trafic des viandes salées et des provisions de tout genre, manufacturées, emmagasinées à Saint-Louis et expédiées ensuite dans tout le far-west comme à Chicago, et de plus dans tous les états du sud, tels sont les principaux élémens du commerce de cette importante cité. Il faut y joindre les affaires de banque et de commission, qui donnent aussi une grande animation à cette place et en font la digne rivale de Chicago. Saint-Louis est comme cette dernière ville un grand entrepôt de tous les produits de l’ouest, la principale nourricière des chemins de fer qui desservent l’Atlantique ou le golfe mexicain. De plus, si Chicago a ses lacs, elle a son grand fleuve, le Mississipi, qui la relie directement à la Nouvelle-Orléans par un service quotidien d’innombrables bateaux à vapeur.

C’est en 1812 que le premier steamboat a jeté l’ancre au pied de la levée du Mississipi à Saint-Louis, cinq ans à peine après que Fulton eut lancé son Clermont sur la Rivière du nord à New-York. Depuis, c’est par milliers qu’il faut compter les navires à vapeur qui sont allés et venus entre Saint-Louis et les divers ports du