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protection d’une puissante tribu du désert, — les deux officiers échouaient dans leur projet et se retiraient devant une aveugle opposition. Peu après, M. Cusson, voulant pénétrer dans ces mêmes oasis, essaya d’y parvenir par Tanger, puis par nos frontières de la province d’Oran, sans pouvoir atteindre Figuig.

Le Touât ne nous était pas encore ouvert. La fanatique population des oasis se ressentait de l’influence et du séjour de Mohammed-ben-Abdallah, le prétendu chérif. Avant de renouveler de ce côté des tentatives qui pouvaient rester vaines encore une fois, il fallait savoir si le but qu’on voulait atteindre méritait de pareils efforts. La route par Ghadamez et Ghat au contraire, alors aux mains des Touaregs-Azgueurs, offrait les garanties indispensables de sécurité. Le 26 novembre 1862, les chefs touaregs Si-Othman et Si-Ameur-el-Hadj, au nom de toutes les tribus azgueurs, ont en effet signé avec la France, représentée par MM. Mircher et de Poli-gnac, une convention pour l’ouverture de relations commerciales entre l’Algérie et le Soudan. Cette convention avait été en 1862 l’objet de la mission de Ghadamez.

Dès 1859, la pacification du pays paraissant achevée, le maréchal Pélissier, gouverneur-général de l’Algérie, s’était préoccupé d’ouvrir à nos nationaux et à nos indigènes, à travers les vastes déserts qui séparent notre Sahara des régions soudaniennes, l’accès des grands marchés de ces pays. Les marchandises européennes connaissent depuis longtemps le chemin du Soudan ; les négocians de la Tripolitaine et du Maroc, qui en effectuent l’importation pour leur compte ou par commission, réalisent des bénéfices considérables, et certainement d’autres produits manufacturés devaient être aussi favorablement accueillis. Or les produits de retour ne manquent pas ; il suffit de citer l’ivoire, la poudre d’or, les dépouilles d’autruche, le séné, la gomme, l’indigo et d’autres matières tinctoriales ; mais jusqu’à ce jour c’est exclusivement par les ports du Maroc et de Tripoli que pénètrent en Afrique les marchandises européennes à destination du Soudan. Des entrepositaires ou des commissionnaires européens reçoivent les marchandises des pays de production, et les remettent aux indigènes en leur faisant souvent crédit jusqu’au retour des caravanes. De Tripoli, les caravanes suivent deux routes : celle de Mourzouk et celle de Ghadamez. Ghadamez est le débouché principal de Tripoli vers le Soudan. Le courant commercial de Ghadamez peut être évalué à 3 millions environ par année, dont 1 million pour les opérations sur Timbektou et 2 millions pour les opérations sur Kano.

Jusqu’alors tous les efforts tentés en Algérie étaient demeurés sans résultats, à cause de l’insécurité du voyage. Un engagement