Faut-il faire à cette dernière opinion les honneurs d’une réfutation en règle ? Est-il besoin d’établir que la truffe, champignon souterrain, n’a rien de commun avec une galle, résultat de la piqûre d’une racine par un insecte ? Pour le naturaliste sérieux, la démonstration serait superflue. Le bon sens d’abord, puis l’évidence des faits, les admirables études de Vittadiniet des Tulasne, les savans travaux de Léon Dufour, Laboulbène, Chatin, Henri Bonnet, ont porté sur le fond même de ce litige un verdict définitif ; mais ce n’est pas aux savans que s’adresse l’ardent champion de la mouche truffigène : pour M. Jacques Valserres, l’Académie des Sciences est l’incarnation vivante du progrès à reculons ; tout ce qui touche à ce corps est par cela même entaché de parti-pris, d’aveuglement volontaire. Parlez-lui des libres chercheurs ! Ceux-là n’ont besoin ni d’érudition solide, ni d’observations patientes, ni même de connaissances précises : ils savent tout d’intuition ; ils voient d’un coup d’œil à travers leur vanité ce que les pauvres esclaves de la science officielle n’ont pu découvrir par les investigations les plus délicates. Donc place aux libres chercheurs ! Eux seuls auront l’oreille du public, la confiance des praticiens ; ils ne connaissent ni les hésitations ni les doutes : belle condition pour parler haut et séduire ceux qui croient, encore aux oracles.
J’ai l’air d’être très sévère pour le récent manifeste de la mouche truffigène. Qu’on lise le livre, on me trouvera peut-être indulgent. En tout cas, on désirera faire dans cette œuvre une distinction entre la partie polémique, diatribe aussi passionnée que stérile contre des adversaires imaginaires, et la partie pratique et calme consacrée à la propagande d’une idée juste : l’extension de la production truffière au moyen des reboisemens par semis de chêne. Sur ce point essentiel, l’empirisme des agriculteurs a devancé la science spéculative ; mais celle-ci s’est empressée d’accueillir les résultats de la pratique : impuissante à les expliquer, elle en fera le point de départ d’études persévérantes, et peut-être pourra-t-elle en donner un jour une interprétation logique au lieu de vouloir les rattacher dès à présent au joug d’une théorie prématurée. La trufficulture, pour employer le mot incorrect que l’usage a consacré, la production artificielle des truffes est en ce moment à l’ordre du jour dans plusieurs départemens de la France. Très familière aux initiés, qui sont parfois des populations entières, confondue par beaucoup avec le semis direct des truffes, cette branche nouvelle de l’activité agricole mérite d’être portée à la connaissance du grand public. Les gourmets y trouveront la perspective de jouissances gastronomiques ; les agriculteurs y saisiront peut-être l’occasion de mettre en rapport et de reboiser des espaces nus et relativement