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l’expansion correspondante du système radiculaire qu’à l’influence de l’ombre croissante avec les années. Bref, si l’on veut, en tenant compte des faits, en réserver à l’avenir l’interprétation scientifique, on constatera seulement que la croissance de la truffe est liée à tout un ensemble de conditions dont le sol, le climat, la présence de certains arbres, forment les traits les plus apparens ; mais, cela dit, le problème biologique demeure aussi vierge qu’auparavant. Comment la truffe profite-t-elle de ces conditions ? par quelle voie ses germes sont-ils transportés dans le sol, y germent-ils, végètent-ils, arrivent-ils surtout à se reproduire ? Sur tout cela, mystère ; or tout cela, c’est peut-être l’essentiel.

La création des truffières artificielles par semis ou plantation de chênes est un fait d’expérience sur lequel tout le monde est tombé d’accord. Où les dissentimens commencent, c’est sur la théorie dite du chêne truffier. De tout temps, les chercheurs de truffes ont constaté des inégalités frappantes dans la distribution des truffières naturelles : tel pied de chêne était noté comme stérile au point de vue de la truffe, tel autre comme d’une fertilité longtemps prolongée. Fallait-il voir dans ces différences le résultat complexe des conditions du milieu ? pouvait-on en chercher l’origine dans les qualités propres, individuelles, du chêne lui-même, et, ces qualités truffigènes ou non une fois admises, devait-on les supposer héréditaires dans la descendance de ces arbres ? En d’autres termes, les glands d’un chêne truffier donneraient-ils des chênes fertiles en truffes, par opposition aux glands non truffiers, qui donneraient des chênes stériles ? Adoptant cette hypothèse, M. Rousseau, dans le premier établissement de ses truffières du Puits-du-Plant, employa des glands pris sur les chênes des truffières d’Hilarion Talon. Le succès de ses propres cultures lui parut tenir au moins en partie à ce choix. Préconisée par M. Loubet, adoptée et propagée par M. Martin Ravel.de Montagnac, la théorie du chêne truffier eut dès ce moment sa place, dans les livres, les journaux et dans le monde des praticiens. Elle supposé pourtant d’une part la nécessité d’une relation directe entre le chêne et la truffe, d’autre part la faculté truffigène passée à l’état héréditaire, deux choses qui pour être admises demanderaient tout au moins les preuves directes qui leur ont fait défaut jusqu’à ce jour. Dans les termes absolus où cette question se pose, on conçoit qu’elle n’ait pu séduire tes esprits habitués à la rigueur des méthodes scientifiques. Que les glands d’un pays à truffières naturelles aient plus de chances que des glands pris en dehors de ces conditions à servir de base aux truffières artificielles, c’est une idée qui peut à la rigueur se soutenir, et dont il y aurait quelque prudence à tenir compte dans la pratique ; mais alors nous rentrons tout simplement dans le fait général que