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faits que rien ne pouvait remplacer. Aussi trouve-t-on dans les recueils d’ordonnances royales de nombreux édits en faveur des bateliers, tantôt pour les protéger contre les exactions des seigneurs, tantôt pour interdire aux riverains d’élever des barrages ou autres ouvrages nuisibles à la navigation. Dès le XVe siècle, les marchands « fréquentant la rivière de Loire et ses affluens » obtiennent la permission de lever des subsides sur les bateaux et les chargemens pour la défense de leurs franchises et « l’entretènement du navigage. » À peine les écluses venaient-elles d’être inventées par un ingénieur italien, que l’on songeait à creuser des canaux à point de partage, c’est-à-dire avec un bief culminant dont les eaux, fournies par des réservoirs, s’écoulent indifféremment sur l’un et l’autre versant d’une chaîne de montagnes. Quelqu’un proposait dès lors de joindre la Manche à la Méditerranée par un canal de trois lieues de long entre l’Ouche et l’Armançon, projet exécuté plus tard par le canal de Bourgogne, qui va de l’Yonne à la Saône, parce que l’Ouche et l’Armançon ne sont plus réputés navigables. En 1605, Henri IV fait commencer le canal de Briare, qui devait relier la Loire à la Seine. La même année, on s’occupe de canaliser le Clain depuis le Château de Poitiers jusqu’au confluent de la Vienne. Sully, qui comprenait si bien les besoins de son pays, inscrit sur l’état des dépenses royales (le budget de ce temps) des sommes importantes consacrées à l’amélioration de la Loire, de l’Aisne, d’autres rivières encore. Il paraît que ce grand ministre voulait y employer l’armée en temps de paix. Au contraire, quand on s’en occupa derechef après les troubles qui marquèrent le début du règne de Louis XIII, le gouvernement prit le parti de concéder ces entreprises à des particuliers ou à des compagnies à qui l’on accordait par compensation des péages perpétuels et divers autres avantages, dont le plus curieux est l’octroi de lettres de noblesse pour plusieurs personnes, au choix des concessionnaires. C’est ainsi que s’achevèrent les canaux de Briare et d’Orléans. D’autres jonctions, telles que de la Seine à la Saône, de l’Oise à l’Escaut, de l’Aisne à la Meuse, furent concédées vers la même époque, mais avec moins de succès, les concessionnaires se montrant incapables de subvenir aux grandes dépenses que ces projets auraient exigées. L’œuvre capitale de cette époque fut sans contredit le canal du Languedoc, entreprise plus considérable et non moins difficile que les autres canaux dont il était alors question, et qui fut cependant achevée dans un espace de quinze ans, grâce au génie et à la persévérance de l’illustre Riquet.

L’ère des canaux en France ne commence vraiment qu’en 1780, à l’époque où les états de Bourgogne se firent autoriser à creuser le