lui avait été confié. Il pouvait pendant ce temps employer les animaux au labour ; le chef avait droit au lait et au croît, c’est-à-dire aux petits. C’était donc un véritable cheptel temporaire. En outre le tenancier saer devait au chef l’hommage et certaines corvées. Ainsi il était tenu d’aider à faire la moisson, à bâtir ou à réparer la demeure fortifiée du seigneur ou bien a le suivre à la guerre.
Le daer stock tenant, ayant reçu un cheptel plus considérable, avait des obligations bien plus lourdes. Il semble avoir perdu en partie sa liberté, et les textes le peignent comme très accablé par ses charges. Le cheptel que le chef lui remettait consistait en deux parts : la première proportionnée au « prix de son honneur, » c’est-à-dire à l’amende ou composition qu’avait à payer celui qui l’injuriait, amende qui variait d’après la dignité de la personne lésée ; la seconde part était en rapport avec la redevance en nature que le tenancier était tenu de payer. Ces redevances sont exactement déterminées dans les Brehon Laws. Pour que le chef eût droit à un veau, à trois jours « de réfection » pendant l’été et à trois jours de travail, il doit remettre trois génisses au tenancier ; pour avoir droit à une génisse, il doit remettre au tenancier douze génisses ou six vaches. Ce droit de « réfection » permettait au chef de s’établir et de vivre dans la demeure du tenancier avec quelques-uns de ses suivans pendant un certain nombre de jours. Cet usage prouve que les seigneurs n’étaient guère mieux logés et mieux nourris que leurs vassaux. C’était une façon de consommer les redevances en nature auxquelles ils avaient droit. Cette coutume se retrouve partout où le régime féodal a existé (sous le nom de « droit de gîte et d’albergue » en France), mais en Irlande elle a donné lieu à des abus accablans pour les pauvres tenanciers. Les anciens écrivains anglais qui ont parlé de l’Irlande, comme Spenser et Davis, s’indignent des extorsions dont ils sont victimes. Dans le principe, après sept ans, le tenancier devenait propriétaire du bétail, et la plupart de ses obligations cessaient ; mais, à mesure que le chef devint plus puissant, la dépendance des tenanciers augmenta et devint permanente.
Cette coutume du cheptel a contribué à briser les liens qui unissaient les membres d’un même clan pour y substituer le vasselage féodal. L’homme libre acceptait du bétail, même d’un chef étranger à sa tribu, et devenait ainsi son vassal. Le paysan enrichi, le bo-aire, donnait aussi du bétail en cheptel. A leur tour, les bo-aires et même les chefs acceptaient du bétail de seigneurs plus riches qu’eux, et ainsi il se constitua des groupes nouveaux formés du seigneur et de ses vassaux, qui différaient du groupe primitif, composé du chef et de son clan. D’autre part, l’acceptation de bétail eut les mêmes effets qu’ailleurs la commendatio, et ainsi le système