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la monarchie restaurée et les libertés publiques. — Que son concours à la défense de Louis XVI ait été volontaire et tout spontané, comme l’affirme M. de Chateaubriand, parent de Malesherbes, ou qu’il l’ait donné avec empressement aussitôt qu’il fut sollicité, qu’importe ? Il reste un grand acte de courage accompli, d’accord avec tous les principes d’André, et c’est le plus beau couronnement qu’on pût souhaiter à sa vie politique. Dans quelle mesure prit-il part à la défense du roi ? Le fait en lui-même est incontestable ; mais les traces positives de son action publique font défaut. Sauf quelques articles de journaux publiés sans signature et qui peuvent avec vraisemblance lui être attribués, il semble bien que son action se soit bornée à de fréquens entretiens avec Malesherbes ou de Sèze, et aussi à un travail personnel assez actif dont on peut suivre la trace dans ses notes, et qui était sans doute la matière préparée de ses entretiens avec les défenseurs du roi. Les plus remarquables de ces écrits retrouvés dans ses papiers sont un projet d’Adresse à tous les citoyens français, composé probablement dans les premiers jours de janvier et destiné à soumettre le jugement de Louis XVI à la nation, et un projet de pétition à la convention pour la décider à ce suprême appel au pays. « Vous êtes juges, dit-il, aux citoyens français ; de plus, réunis en vos assemblées primaires, vous formez le souverain, d’où il suit que vous avez le droit et le pouvoir de faire grâce…. Jusqu’ici, à vous qui êtes des hommes, à vous qui êtes des juges, on ne vous a parlé que de haine. Voici un citoyen obscur qui ne vous parle que d’humanité. On ne vous a parlé que de vengeance, il ne vous parle, lui, que d’équité ; on ne vous a parlé que de votre pouvoir, il ne vous parle, lui, que de votre conscience. Vous verrez par là combien il est meilleur républicain et combien il est plus votre ami que tous ces discoureurs féroces, puisqu’il s’intéresse non-seulement à la puissance, mais à la véritable gloire de la république, — puisqu’il pense qu’un abus de pouvoir qui serait un opprobre pour un particulier, serait aussi un opprobre pour la république, puisqu’enfin il ne croit pas que l’injustice et la violence deviennent légitimes envers un homme, parce que cet homme a été roi. » Belles paroles bien inutiles en présence du parti-pris des uns, de l’intimidation et de la lâcheté des autres, mais qui porteront dans l’histoire et jusque dans la postérité la plus reculée, avec le nom du courageux : citoyen qui les écrivit, la dernière protestation d’une noble conscience !

Il était grand temps pour André Chénier de se mettre à l’écart et de s’y tenir. Après le 21 janvier, Paris n’était plus un séjour possible pour lui. Son frère Marie-Joseph, qui lui-même semblait. quelque peu ébranlé dans ses convictions jacobines, et qui, tout en votant la mort du roi, ne l’avait votée, dit-il à la tribune, qu’avec