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topographiques de MM. Tuckett et Bonney ont déjà posé les premiers jalons[1]. Une carte du Mont-Blanc a été publiée en 1865 par M. Mieullet, capitaine d’état-major ; une autre est due à un savant irlandais, M. Adams-Reilly. Bientôt nous verrons paraître une nouvelle carte due à M. Viollet-Le-Duc. Ses études poursuivies pendant sept ans autour du Mont-Blanc et son talent exceptionnel comme dessinateur nous feront connaître exactement le relief et la physionomie de ce massif, le plus important de l’Europe centrale[2]. Une autre carte de M. Adams Reilly nous donne une idée de l’ensemble des glaciers appuyés sur le revers méridional du Mont-Rose, ce rival du Mont-Blanc. M. Julius Payer, officier autrichien, qui s’est illustré depuis dans plusieurs expéditions arctiques, a publié[3] deux cartes des glaciers de l’Ortler, le groupe culminant des Alpes tyroliennes ; elles sont accompagnées du récit des ascensions que ces travaux topographiques ont nécessitées. Enfin c’est dans les régions circumpolaires arctiques que les voyages récens des Suédois, des Américains, des Allemands et des Autrichiens nous ont révélé l’énorme développement que les glaciers peuvent acquérir sous l’influence des circonstances météorologiques les plus favorables à leur accroissement. Ces régions sont la fidèle image de l’époque glaciaire qui a régné si longtemps dans les zones tempérées de l’Europe et de l’Amérique.

Un fait important a été reconnu par Rink, Nordenskiœld et Whymper, c’est que le Groënland méridional forme un immense plateau s’étendant de la baie de Baffin à la Mer-Glaciale, et que ce plateau est recouvert d’une calotte de glace continue dont les glaciers qui arrivent de la mer ne sont que les émissaires. Ainsi des glaciers peuvent s’établir sur des surfaces unies, ils n’ont pas besoin de s’arc-bouter contre des chaînes de montagnes et de descendre, comme on le croyait autrefois, le long de couloirs inclinés. On comprend donc très bien que les plaines de l’Amérique du Nord, de l’Angleterre et de l’Irlande aient été envahies jadis par des glaciers, quoiqu’ils n’eussent pas eu derrière eux comme point d’appui une chaîne de montagnes élevées.

Dans les parties les plus septentrionales de la côte orientale du Groënland explorées jusqu’ici, c’est-à-dire entre le 73e et le 77e degré de latitude, le pays est plus accidenté, et les montagnes atteignent de 2 000 à 4 000 mètres. On s’est même demandé si le pays tout entier n’était pas un archipel de grandes îles séparées par des détroits, mais réunies par des glaciers. En effet, le 11 août 1870, le

  1. The alpine Journal, t. Ier, p. 145.
  2. Voyez Bulletin de la Société de géographie, juillet 1874.
  3. Petermann, Geographische Mittheilungen, Ergaenzungs-Band, 1868.