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que dans les régions les plus froides du globe, celles qui entourent les deux pôles ; mais ici nous sommes en présence d’une moraine sous-marine, déposée dans une mer d’une température qui se rapproche de celle de la Méditerranée. Tous les fossiles trouvés dans cette moraine ont le caractère des coquilles des mers tempérées actuelles. Comment comprendre que l’ancien glacier descendu des Alpes ait pu se maintenir avec un climat aussi chaud ou plus chaud que le climat actuel du nord de l’Italie ?

Quelques considérations climatologiques affaibliront les doutes soulevés par la découverte de M. Rosalès sans les dissiper entièrement. Les climats les plus favorables à l’extension des glaciers sont incontestablement les climats très froids : les régions circumpolaires le démontrent suffisamment ; mais ces fleuves de glace peuvent prendre un accroissement considérable, si le climat, sans être très froid, est très neigeux en hiver et peu chaud en été. C’est un climat de ce genre qui règne à la Nouvelle-Zélande. Une arête de montagnes règne dans toute la longueur de deux îles, les sommets s’élèvent jusqu’à 3 000 et 4 000 mètres de hauteur : elles sont chargées de glaciers qui descendent jusqu’à 500 mètres seulement au-dessus de la mer, entourés à leur extrémité inférieure de fougères en arbre, avec des Dracœna, des Metrosideros, des Aralia, le Phormium tenax ou lin de la Nouvelle-Zélande, végétaux qui ne supportent pas les hivers de la Provence ou de la Lombardie. Aussi un géologue distingué, M. Henri Lecoq[1], soutenait-il déjà en 1847 qu’un climat humide et neigeux en hiver, avec ciel couvert en été, favorise plus efficacement la réparation hibernale et la progression estivale des glaciers qu’un climat très froid et très sec pendant toute l’année. Le nord de la Sibérie en est un exemple ; il y tombe peu de neige en hiver, aussi ce pays si froid est-il dépourvu de glaciers. Ainsi on comprend qu’à un certaine époque géologique, lorsque la mer pliocène baignait le pied des Alpes et des Apennins, le climat du nord de l’Italie fût analogue à celui de la Nouvelle-Zélande. Alors les lacs du versant méridional des Alpes, lacs Majeur, de Côme, d’Iseo, de Garde, étaient des fiords semblables à ceux de l’Écosse et de la Norvège, dont ils ont conservé la forme. Les glaciers qui en occupaient la place ont reculé peu à peu, la plaine lombarde a émergé au-dessus des flots, les anciens fiords, séparés de la mer, sont devenus des lacs comme le Maelar, le Wenern et le Wettern de la Suède méridionale. Les glaciers se sont retirés lentement dans les montagnes, où nous les admirons comme les témoins amoindris d’une époque disparue.

En France, on a également poursuivi les études sur la période

  1. Lecoq, Des Glaciers et des climats ou des causes atmosphériques en géologie.