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demande à la Belgique de changer ses lois, il est d’avis que le premier devoir de la nationalité est de réprimer toute manifestation contre une puissance étrangère. C’est toujours le système napoléonien ; mais les temps sont changés. L’Italie a décliné les suggestions allemandes, M. le ministre des affaires étrangères de Bruxelles a répondu en invoquant avec modération les droits d’indépendance de la Belgique, et il n’est point impossible que M. de Bismarck ne s’arrête dans cette voie, se contentant pour le moment d’une enquête nouvelle dirigée contre l’ouvrier qui a voulu l’assassiner. N’importe, la tentative d’intervention existe ; elle a causé naturellement une certaine émotion en Europe, où elle est apparue comme la révélation d’un système, et elle vient d’avoir son retentissement dans le parlement anglais, où le ministère a été interpellé. M. Disraeli s’est étudié, en diplomate habile, à diminuer l’importance de cet incident, ajoutant néanmoins que, si la neutralité de la Belgique était menacée, le gouvernement de Il reine serait prêt à remplir ses devoirs. Le fait est que l’Angleterre ne pouvait aller plus loin sans compliquer singulièrement les choses. Toute la question est de savoir si M. de Bismarck s’en tiendra là, ou si ce n’est qu’un incident qui commence sous les yeux du continent étonné !

Est-ce un simple hasard ? est-ce une coïncidence qui aurait quelque signification mystérieuse dans ces affaires européennes du jour ? Au moment où la diplomatie de la puissante Allemagne cherche noise à la petite et libre Belgique, l’empereur François-Joseph et le roi Victor-Emmanuel viennent de se rencontrer pour la première fois dans une ville italienne, et cette entrevue de Venise, par l’éclat qui l’a entourée, par la spontanéité des démonstrations qui l’ont accompagnée, a dépassé tout ce qu’on attendait. Certes les événemens, comme les morts de la ballade allemande, vont vite dans notre siècle. Il n’y a pas plus de quinze ans, l’Autriche quittait à peine Milan, elle était encore à Venise, mal résignée à sa défaite de la veille, défendant pied à pied sa domination historique au-delà des Alpes. L’Italie, toute frémissante d’un premier succès conquis avec l’aide de la France, ne voulait plus s’arrêter dans sa révolution nationale. Victor-Emmanuel et Cavour, le roi-soldat et l’habile politique, déjà devancés par Garibaldi, se disposaient à ce dernier acte, qui allait leur donner Naples et la plus grande partie des états pontificaux. À ce moment, le prince régent de Prusse, qui allait être bientôt le roi Guillaume, envoyait ses protestations à Turin, et en son nom l’ambassadeur prussien, M. le comte Brassier de Saint-Simon, était chargé de lire à M. de Cavour cette mémorable remontrance : « C’est en s’appuyant sur le droit de la nationalité italienne, et sans avoir à alléguer aucune autre raison, que le gouvernement de sa majesté le roi de Sardaigne a demandé au saint-siège le renvoi de ses troupes non italiennes, et que, sans même attendre le refus de celui-ci, il a envahi les états pontificaux, dont il occupe à l’heure qu’il est la