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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/343

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tion des phénomènes physiques et chimiques fait défaut à l’organisme. Quand Spallanzani a ressuscité, en les humectant, des rotifères desséchés depuis trente ans, il a simplement fait reparaître dans leur corps les phénomènes physiques et chimiques qui s’y étaient arrêtés pendant trente années. L’eau n’a apporté rien autre chose, ni force ni principe.

Comment pourrions-nous comprendre un antagonisme, une opposition entre les propriétés des corps vivans et celles des corps bruts, puisque les élémens constituans de ces deux ordres de corps sont les mêmes ? Buffon, voulant s’expliquer la différence des êtres organisés et des êtres inorganiques, avait été logique en supposant chez les premiers une substance organique élémentaire spéciale dont seraient dépourvus les seconds. La chimie a complètement renversé cette hypothèse en prouvant que tous les corps vivans sont exclusivement formés d’élémens minéraux empruntés au milieu cosmique. Le corps de l’homme, le plus complexe des corps vivans, est matériellement constitué par quatorze de ces élémens. On comprend bien que ces quatorze corps simples puissent, en s’unissant, en se combinant de toutes les manières, engendrer des combinaisons infinies et former des composés doués des propriétés les plus variées ; mais ce qu’on ne concevrait pas, c’est que ces propriétés fussent d’un autre ordre ou d’une autre essence que ces combinaisons elles-mêmes.

En résumé, l’opposition, l’antagonisme, la lutte admise entre les phénomènes vitaux et les phénomènes physico-chimiques par l’école vitaliste est une erreur dont les découvertes de la physique et de la chimie modernes ont fait amplement justice.

Il y a plus, la doctrine vitaliste ne repose pas seulement sur des hypothèses fausses, sur des faits erronés ; elle est par sa nature contraire à l’esprit scientifique. En voulant créer deux ordres de sciences, les unes pour les corps bruts, les autres pour les corps vivans, cette doctrine aboutit purement et simplement à nier la science elle-même. Bichat, nous le savons déjà, pose en principe que les lois des sciences physiques sont absolument opposées aux lois des sciences vitales. Dans les premières, tout serait fixe et invariable ; dans les secondes, tout serait variable et inconstant. La divergence entre ces deux ordres de sciences doit les laisser étrangères les unes aux autres et les rendre incapables de se prêter aucun secours. C’est la conclusion à laquelle arrive nécessairement Bichat. « Comme les sciences physiques et chimiques, dit-il, ont été perfectionnées avant les physiologiques, on a cru éclaircir les unes en y associant les autres ; on les a embrouillées. C’était inévitable, car appliquer les sciences physiques à la physiologie, c’est expliquer