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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/378

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— Je vous enlève ! s'écria Valérien.

— Quel bonheur ! dit Hélène avec allégresse. J'ai toujours rêvé un enlèvement ; je me voyais fuyant de nuit la maison paternelle, je me représentais cette scène : une forêt, une chapelle, le bien-aimé m'attendant avec des chevaux. Je m'élançais sur le mien, un cheval blanc, cela va sans dire, et en route au grand galop !

— Y a-t-il une chapelle dans le voisinage ?

— Tout près du bois de Bialobrog.

— À demain !

— J'enlève aujourd'hui Mlle de Festenburg, dit Valérien à Weinreb lorsque celui-ci vint le matin recevoir ses ordres.

— S'il vous arrive malheur, je m'en lave les mains, répondit le Juif.

— Pour une fois, cela ne te fera pas de mal, mais écoute : l'aventure exige que je fasse bonne figure : une pelisse de zibeline me paraît indispensable à un cavalier qui se respecte.

— Il suffit, vous l'aurez.

— Avec cela, un bonnet cosaque de la même fourrure.

— Après ?…

— Deux bons chevaux, l'un noir pour moi, l'autre blanc…

— Ne pourrait-il être noir aussi ? s'écria le Juif avec humeur.

— Non, il faut un cheval blanc ; si tu n'en trouves pas, teins ton cheval noir, je t'en laisse libre.

— Un cheval blanc avec une selle de dame sans doute ? soupira Weinreb.

— Cela va sans dire, et tu nous attendras avec les chevaux près de la chapelle, sur la lisière du bois de Bialobrog. Aie soin de faire éclairer cette chapelle.

— Vous voulez vous y marier ?

— Non, c'est seulement pour le décor.

— Vous n'avez rien de plus à me recommander ?

— Rien.

Le Juif respira. En sortant, il se retourna encore une fois : — Ne vous contenteriez-vous pas vraiment d'un cheval noir ?

— Que le diable t'emporte ! j'ai dit un cheval blanc.

— Soit !

VII.

Après la leçon et le thé, Valérien ayant quitté Kosciolka, un violent orage éclata dans cet intérieur paisible d'ordinaire. — Cela ne peut durer ainsi, commença Mme de Festenburg en se promenant à grands pas par la chambre.