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danger existe également dans les pays chauds quand les terres d’alluvion sont défrichées ou quand les débordemens des rivières laissent exposées au soleil des couches de limon riches en débris organiques[1].

Les recherches de M. le général Morin, celles de M. Le Blanc et de M. le docteur F. de Chaumont sur la ventilation établissent la nécessité d’une circulation active de l’air pour les malades comme pour les personnes saines. On peut admettre que l’air d’une pièce de capacité moyenne, habitée par une seule personne, peut être maintenu à un degré suffisant de salubrité, s’il est renouvelé une fois par heure ; si la pièce est occupée par plusieurs personnes, le renouvellement complet de l’air doit avoir lieu cinq ou six fois, dans certains cas huit ou neuf fois par heure. Pour les casernes anglaises, où l’espace cubique alloué à chaque homme est de 17 mètres cubes, le volume d’air nouveau à introduire est fixé à 85 mètres cubes par heure et par tête, c’est-à-dire que l’air doit être renouvelé cinq fois par heure ; chez nous, la proportion normale n’étant que de 10 ou 12 mètres cubes, la ventilation devrait être beaucoup plus énergique encore, tandis qu’elle est malheureusement presque toujours tout à fait insuffisante[2]. Tous les hygiénistes sont aujourd’hui d’accord pour poser en principe qu’il faut fournir de l’air pur en aussi grande quantité que possible aux hôpitaux, aux ambulances, aux casernes, aux écoles et aux ateliers, et faciliter la circulation atmosphérique dans les quartiers populeux. C’est dans cette voie que se trouve la véritable prophylaxie contre toutes les maladies infectieuses. Des faits très curieux prouvent même que la simple exposition à l’air peut être un moyen de guérison.

On peut citer à cet égard les résultats étonnans obtenus par un médecin de l’armée anglaise, Robert Jackson, vers la fin du siècle dernier. Les malades atteints de fièvres ou de dyssenteries rebelles étaient placés par cet habile praticien sur des charrettes ou des voitures découvertes, promenés ainsi par tous les temps et souvent au milieu de la confusion d’une retraite précipitée. Le jour, au grand soleil, les malades étaient abrités par des rameaux feuillus ; mais la nuit ou par les temps couverts ils étaient absolument exposés à l’air libre, sans souci de la pluie et de la rosée. Jackson a vu ainsi des malades désespérés sortir guéris de cette épreuve héroïque, et cela dans des momens où ils étaient privés de remèdes et de soins. Ce moyen du transport à l’air libre (gestation in open air) est recommandé surtout pour les cas graves. Le général Félix Douay

  1. Il s’ensuit d’ailleurs que des vents trop faibles peuvent devenir des agens de propagation des épidémies. L’excellent rapport de M. Barth sur les épidémies de choléra constate que les courans d’air avaient une influence réelle sur la propagation du mal à de courtes distances ; on le voyait apparaître dans les villages sous le vent d’une localité infectée.
  2. Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, séance du 4 août 1873.