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de l’action des forêts sur le régime des eaux ; cependant, comme cette action n’est pas toujours et partout la même, il serait indispensable d’entreprendre à cet égard des études complètes, et d’établir sur toute la surface du pays un système d’observations météorologiques suivies et faites avec méthode. Il faudrait que l’on pût connaître non-seulement la température journalière maxima et minima de tous les points du territoire, mais la quantité de pluie tombée, ainsi que le débit des sources et des cours d’eau dans les différens bassins. On saurait de cette façon si réellement dans les régions boisées il pleut plus souvent que dans les régions dénudées, si les rivières y ont un cours plus régulier, si la température y est moins extrême. Si ces phénomènes se répètent partout de la même façon, il serait difficile de nier qu’ils ne soient dus à la présence des forêts ; si au contraire il se présentait des divergences, on reconnaîtrait facilement à quelle circonstance particulière de sol ou d’essences forestières elles devraient être attribuées. La connaissance précise de tous ces faits serait pour la richesse publique d’une importance capitale, et l’on ne serait plus exposé à voir, comme en 1865, un ministre des finances arguer de l’incertitude de la science et du désaccord des savans pour proposer l’aliénation de toutes les forêts de l’état.

Du reste ce que nous venons de dire des forêts est applicable à l’ensemble des phénomènes météorologiques du pays. Il importe en effet, pour pouvoir formuler des lois générales dont la connaissance serait si précieuse pour l’agriculture et l’industrie, non-seulement de multiplier les observations, mais encore de grouper toutes celles qui se font déjà aujourd’hui sur tous les points du territoire. Pour que ces observations soient comparables, il faut qu’elles soient faites partout de la même manière et avec des instrumens semblables, et pour arriver à ce résultat il faut instituer un service météorologique fortement organisé. Ce service pourrait être établi sans grands frais, si sous les ordres d’un directeur-général on chargeait les ingénieurs en chef des départemens de centraliser les observations des ingénieurs des ponts et chaussées, des mines, des agens forestiers, et des particuliers qui voudraient bien prêter leur concours. Par les services qu’une organisation semblable rend déjà dans les ports de mer, par ceux que la commission météorologique a rendus dans le département de l’Oise, on peut juger de ceux que procurerait au pays une administration spéciale, et se convaincre que les sacrifices qu’elle imposerait seraient amplement compensés par les bénéfices qu’on pourrait en attendre.


J. CLAVE.