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veut devenir un des citoyens ; ce n’est donc que dans ce dernier pays que l’enquête peut utilement avoir lieu. L’étranger doit en conséquence y résider depuis un certain temps ; cette résidence a été fixée à trois ans, délai adopté depuis (loi du 29 juin 1867) pour la France, où l’on exigeait auparavant des étrangers aspirant à notre naturalisation un stage de dix années. Le gouverneur-général civil de l’Algérie décide souverainement des demandes, sur l’avis d’un comité consultatif, qui a plénitude d’appréciation. La délation au gouverneur-général de ce pouvoir, qui n’appartenait qu’à l’empereur en conseil d’état, est une innovation doublement heureuse en ce qu’elle permet à l’intéressé de poursuivre sur place son instance, et facilite au juge de la naturalisation les moyens de s’éclairer[1].

L’immigration algérienne est cosmopolite. Si elle se recrute principalement dans le bassin de la Méditerranée, les peuples du nord lui fournissent aussi leur contingent, et les Allemands occupent numériquement la quatrième place dans la population étrangère. Le chiffre total de celle-ci égale presque celui des Français d’origine et tend à le dépasser. Un ancien gouverneur de l’Algérie constatait récemment devant la commission d’enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la défense nationale ce fait, qui lui semblait anormal et inquiétant, et il mettait de l’insistance à le signaler. Ce phénomène, s’il appelle en effet la réflexion, n’a pourtant rien qui doive surprendre. En passant sous notre domination, l’Algérie est devenue une terre plus hospitalière pour les étrangers que pour nous-mêmes. La législation commerciale et douanière qui la régit assure au négoce universel des avantages spéciaux. Ses ports s’ouvrent, comme ceux de la métropole, à tous les pavillons ; les navires des autres nations peuvent, moyennant une autorisation du gouverneur-général, faire le cabotage des côtes ; aucune surtaxe de navigation n’atteint à l’entrée les marchandises importées par la marine étrangère, et certaines prohibitions qui frappent les produits de l’extérieur à la frontière française n’existent pas pour l’Algérie (ainsi le tabac, qui n’y est pas l’objet d’un monopole, et dont il se fait une importation considérable).

Les étrangers qui y sont domiciliés jouissent d’une condition non-seulement préférable à celle qu’ils auraient en France, mais pendant longtemps ils ont comparativement plus gagné que nos propres colons à s’établir sur le territoire de l’Algérie. Tandis qu’en mettant le pied sur le sol algérien ces derniers subissaient une véritable

  1. Cette disposition menace de tomber en désuétude à l’égard des étrangers. Les gouverneurs-généraux, quoique le décret ne distingue pas entre les étrangers et les Indigènes, ne l’ont appliquée jusqu’ici qu’à ces derniers.