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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 mai 1875.

C’est la triste fortune de la France de n’avoir trop souvent que le choix des ennuis, de vivre sans cesse entre toutes ces perspectives de complications extérieures périodiquement renaissantes et les préoccupations obstinées de son organisation intérieure. Elle passe des troubles diplomatiques aux incohérences constitutionnelles ou parlementaires. Quand les difficultés ne viennent pas du dehors, elles reparaissent à Versailles. Au fond, la France, par ses intentions, par ses vœux, par sa conduite, est certainement innocente de ces agitations qu’on lui inflige, qu’elle ne comprend pas toujours, et pour elle la meilleure politique est celle qui la laissera en paix avec tout le monde comme avec elle-même. Pour le moment du moins, et c’est une première victoire de l’intérêt public, de la raison universelle, les nuages extérieurs sont dissipés. Cette crise qui a éclaté si brusquement, sans cause apparenté, sans prétexte saisissable, cette crise s’est apaisée comme elle s’était élevée, en un instant, — ce qui tendrait à prouver qu’il pouvait bien y avoir un certain artifice de savans calculateurs dans cette émotion soudaine, mystérieuse, qui pendant quelques jours a fait frissonner le vieux continent.

Voilà donc le grand malentendu évanoui et le calme rétabli heureusement en Europe. Les esprits retrouvent un peu de sang-froid et les affaires peuvent reprendre leur essor. Qu’on se plaise maintenant à disserter sur les causes secrètes, sur les particularités intimes et la portée réelle de cet étrange incident qui a éclaté tout à coup au milieu de l’Europe étonnée, qu’on discute à perte de vue pour savoir si le cabinet de Berlin avait adressé aux autres gouvernemens une circulaire au sujet des prétendus armemens de la France, ou s’il s’était borné à charger ses agens de transmettre verbalement ses impressions aux chancelleries européennes, qu’on recherche dans quelle mesure, sous quelles formes