ou se laisse pénétrer par lui aussi complaisamment ? Ce n’est certainement pas étendu sur un escalier que le modèle a dû poser ; le ventre est soufflé dans sa partie inférieure, le bras levé n’a qu’une silhouette, mais point de formes intérieures, la poitrine, si jolie de ton d’ailleurs, a des soulèvemens que l’on ne comprend pas. Tout cela n’est pas d’une construction rassurante, mais le modelé est fin, la coloration charmante, le goût délicat, et ce n’est pas une mince difficulté que de peindre aussi honorablement une figure de femme dans des proportions semblables.
M. Olivier Merson a un goût fâcheux pour les élégances exagérées et les détails voyans. Son Saint Michel est d’une ornementation terriblement prétentieuse et compliquée. Je sais qu’il s’agit là d’un modèle de tapisserie, mais ce n’est pas une raison suffisante pour pousser aussi loin la recherche de l’ameublement. Ce n’est pas une raison surtout pour nous offrir un saint Michel d’une structure aussi fantasque, ainsi qu’un diablotin dont le mal-bâti dépasse toute limite. Dans le Sacrifice à la Patrie, du même auteur, il y a moins d’affectation. La Religion est une figure bien ajustée, d’un sentiment élevé, et serait irréprochable, si elle soutenait son calice d’une main mieux dessinée. La Gloire militaire, qui souffle dans une trompette d’or, est d’une élégance réelle, quoiqu’un peu étrange. Je ferai cependant, à cette figure, le reproche de ne point faire partie du tableau. Pourquoi le vent violent qui soulève ses draperies et agite follement l’écharpe enroulée autour de ses ailes comme la paraphe d’une signature, pourquoi ce grand vent laisse-t-il tout le reste du tableau dans le calme le plus absolu ? Une allégorie comporte, il est vrai, toutes les conventions imaginables ; encore faut-il qu’une certaine logique préside à ces mensonges artistiques, et que l’unité de l’ensemble coupe court à toute critique de détail. Or l’ensemble de cette toile n’est pas dans ces conditions d’unité et de simplicité. Il y a là des réminiscences de bien des sortes, mille impressions contraires et mal soudées ensemble. Il semblerait que M. Merson a beaucoup vu, beaucoup feuilleté, beaucoup travaillé, et qu’il ne s’est point assimilé le fruit de ses efforts. Il n’a point encore l’équilibre, l’expérience, la mesure et la simplicité ; il a du moins l’horreur du banal, ce qui est un don précieux, ou funeste suivant l’usage qu’on en sait faire.
M. Gustave Jacquet expose une des toiles les plus séduisantes du Salon. Sa Rêverie vous attire et vous retient, non pas seulement par les qualités qu’elle renferme, mais à cause des espérances qu’elle fait concevoir. Il y a dans ce talent quelque chose d’ouvert, de jeune, d’aisé, d’ému, qui est d’un véritable artiste. Ce n’est pas là cette perfection banale qui ressemble à un éloge funèbre ; les défauts de M. Jacquet rassurent bien plutôt qu’ils n’effraient ; ils indiquent une