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lans ou solides essais sur le mouvement religieux et philosophique en Angleterre, sur la politique, sur la littérature : œuvres d’une intelligence cultivée, pénétrante et curieuse, qui s’intéressait à tout !

Politique ou écrivain, du reste, M. de Rémusat ne faisait que se peindre lui-même, et ce qu’il y avait encore de meilleur en lui, c’était l’homme. L’homme était supérieur par l’indépendance, par une droiture innée, par le caractère. Il savait allier la bonne grâce mondaine et les préoccupations les plus sérieuses de la pensée, l’intégrité des convictions et les ménagemens pour toutes les opinions, même quelquefois l’indulgence pour les faiblesses. Il était de ceux qui, sans admettre tout, essaient de tout comprendre sans affectation, par une sorte de passion de sincérité et de vérité. Nature essentiellement libre et ouverte, il se défendait des exclusions moroses, d’un pessimisme découragé ; volontiers il aurait eu plutôt un certain optimisme aimable et rassurant qui tenait peut-être à une singulière fermeté d’âme voilée de politesse. Tolérant pour les autres, il savait bien, quant à lui, ce qu’il devait faire, où il devait s’arrêter, et c’est lui qui écrivait un jour dans l’intimité : « Personne, dans le plus profond de sa pensée, n’a plus que moi tout rattaché, tout subordonné à la même cause, n’a plus ramené à l’unité ses idées, ses intérêts et ses passions. Cela m’a nui souvent. » Non, cela ne lui a pas nui. Cette unité des idées, c’est au contraire ce qui a fait l’unité de sa vie, c’est ce qui a uni par lui assurer cette considération qu’il a conquise sans rien sacrifier pour l’avoir, et il est mort comme il a vécu, simplement, sans faste, se faisant lire quelques heures avant sa fin un livre latin pour échapper au sentiment de la souffrance physique, s’endormant dans la sérénité d’une vieillesse honorée.

Et maintenant qu’on couvre cette tombe d’hommages intéressés en essayant d’enrôler M. de Rémusat sous le drapeau d’un parti, c’est possible. Ceux qui déploient un zèle si nouveau devraient se souvenir qu’il y a deux ans à peine ils ont attiré sur Paris l’humiliation, le ridicule de préférer un concurrent, dont il serait même déplacé de rappeler le nom, à ce galant homme qui venait d’aider à la délivrance du pays, qui n’a jamais servi que la France et la liberté. Non, M. de Rémusat n’était ni d’un parti, ni d’une secte, c’était un patriote et un libéral, c’est par là qu’il a mérité l’universel et affectueux respect qui l’accompagne jusque dans la mort.


CH. DE MAZADE.

ESSAIS ET NOTICES.
Du Relèvement de la France, par M. C. Sédillot, membre de l’Institut, Paris 1874. — Démographie figurée de la France, par M. le Dr Bertillon, Paris 1874.

À en croire certaines théories venues de l’Allemagne, les peuples, comme les individus, ont une existence limitée ; il y a des peuples