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les parties de l’empire : au midi, celles de Moissac, — en Neustrie, celles de Saint-Riquier et de Fontenelle, — en Austrasie, celles de Metz, — en Germanie, celles de Lorsch et de Fulde. Ajoutons à cela les lettres d’Alcuin et d’Eginhard, celles d’Agobard et de Loup de Ferrières ; elles nous instruisent de l’état des esprits et des mœurs, et même des habitudes de la vie politique. Nous possédons une correspondance assez complète des rois francs avec les papes sur toutes les affaires de l’église et particulièrement sur ses rapports avec le pouvoir civil. Enfin un parent de Charlemagne, Adalhard, avait écrit un traité sur le système de gouvernement de l’empire, et ce traité, résumé par l’archevêque Hincmar, est parvenu jusqu’à nous.

Dans ces textes si nombreux, d’une langue si claire, si divers d’ailleurs par leur nature et par leur origine, la société se montre à nous sous toutes ses faces. On peut saisir dans le détail les règles de ce gouvernement, les principes qui dirigeaient le prince, les habitudes d’esprit qui dirigeaient les sujets ; on peut voir avec précision jusqu’où allait l’obéissance et en quoi l’on faisait consister la liberté ; on peut enfin se faire une idée exacte et complète de ce qu’étaient alors les institutions politiques.


I. — DU POUVOIR ROYAL.

Il y a lieu de se demander si la révolution qui avait renversé du trône les Mérovingiens avait été provoquée par le désir de restreindre l’autorité royale. Il a paru en effet à quelques historiens que le changement de dynastie avait été le dernier acte d’une longue lutte de l’aristocratie contre les rois, et qu’elle marquait la victoire de cette aristocratie. On a même quelquefois ajouté que c’était l’esprit germanique qui avait renversé la famille mérovingienne, et qu’il l’avait dépossédée du trône parce qu’elle suivait trop les traditions monarchiques de l’empire romain.

Une telle pensée n’apparaît jamais dans les documens ; ils ne laissent voir à aucun signe que cette révolution ait répondu à des idées particulièrement germaniques. On n’y lit jamais que les hommes aient voulu remplacer une royauté trop absolue et trop romaine par une royauté plus germaine et plus limitée. Ces mots eux-mêmes, dont nous sommes forcés de nous servir ici, ne se rencontrent jamais dans les textes ; on n’y trouve nulle part l’expression de cette antithèse toute moderne entre l’esprit germanique et l’esprit romain, entre la royauté absolue et la royauté tempérée.

Nous ne pouvons sans doute pas espérer que les chroniqueurs nous disent toutes les causes diverses qui concoururent à amener un changement de dynastie ; mais il est digne de remarque que