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le moine de Saint-Gall, dans l’historien Thégan et dans les annales de Fulde. Ces titres et ces insignes n’étaient pas de vains dehors. L’Occident n’avait jamais cessé de les respecter, même lorsqu’ils avaient été portés par des princes éloignés et impuissans ; toujours ils avaient paru être l’emblème d’une autorité supérieure à celle des rois. En les possédant, Charles devenait, suivant l’expression dont s’était servi Alcuin une année auparavant, la première puissance séculière de la chrétienté.

Le gouvernement reprit dès lors toutes les allures de l’ancien empire. Le terme de respublica reparut avec l’idée qui s’y était attachée depuis huit siècles ; il désigna l’état souverain, l’état dégagé de toute suprématie étrangère, l’état incarné dans un prince omnipotent[1]. La loi de majesté fut remise en vigueur. Tout homme libre dut prêter serment de fidélité « à César. » L’obéissance fut un devoir indiscutable ; tout ordre du prince devait être exécuté. « Celui qui aura dédaigné une lettre portant nos ordres, est-il dit dans un capitulaire, sera amené dans notre palais et recevra la punition que notre volonté lui infligera. » — « Que personne, lisons-nous encore, ne soit assez hardi pour se montrer contraire à la volonté du seigneur empereur. » En s’adressant au prince, on se disait « son humble esclave. » On l’appelait lui-même « maître très glorieux et très pieux, maître sérénissime, maître très clément et très magnifique. » Tout ce qui touchait à la personne du prince était sacré ; on disait « le sacré palais, » et les lettres royales étaient « des ordres sacrés. »


III. — DES ASSEMBLEES NATIONALES.

Parmi les nombreux documens qui nous sont restés de cette époque, où l’on a beaucoup écrit, nous ne rencontrons pas une seule phrase où la notion de la liberté politique soit exprimée, La pensée d’un droit national qui soit supérieur ou au moins égal au droit des rois ne se trouve nulle part. Nous lisons au contraire maintes fois qu’une seule puissance est au-dessus du roi, et que c’est celle de Dieu ; — mais nous voyons en même temps que Charlemagne, comme avant lui Pépin le Bref, comme Louis le Débonnaire après lui, tenait chaque année de grandes assemblées qui sont ordinairement désignées par les noms de plaid, de réunion générale ou de champ de mai. Il importe de chercher quel en était le caractère, comment elles étaient composées, ce qui s’y faisait, afin de savoir jusqu’à quel point elles ressemblaient à ce qu’on entend

  1. Les expressions ministri reipublicœ pour désigner les fonctionnaires publics, reipublicœ obsequium pour désigner le service du prince, sont fréquentes dans les textes carolingiens.