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faire disparaître les fautes contre la religion et de prescrire l’observation des bonnes lois aux évêques et aux comtes. Il rédigea donc, par l’inspiration de Dieu, une série de capitulaires. Ces capitulaires furent apportés à notre réunion par nos maîtres. » Cette dernière expression, nostri magistri, désigne, ainsi que toute la suite du récit le montre clairement, les ministres de l’empereur, auxquels on donnait fréquemment le titre de maître ; les principaux ministres étaient à cette époque l’abbé Adalhard, le chancelier Hélisachar et le comte du palais Mantfred. On voit déjà l’assemblée des grands réunie et les ministres apportant au nom du prince un projet de loi ; l’un d’eux, Adalhard, prononça une harangue, dont le fond était « qu’il n’avait jamais vu une plus belle pensée ni un projet plus glorieux pour le bien de l’état depuis le temps du roi Pépin le Bref, — Adalhard était vieux, — jusqu’à ce jour. » Il semblerait qu’après ce discours du gouvernement une discussion aurait du s’établir dans l’assemblée ; le projet présenté touchait sans nul doute à une foule de questions où les intérêts de l’église et ceux des laïques se trouvaient engagés, et nous sommes ici devant une réunion d’évêques, de comtes et de grands bénéficiaires. Pourtant Agobard ne mentionne aucune discussion, aucun débat contradictoire ; il ne signale non plus aucun vote. Le ministre a parlé, l’assemblée reste muette ; il suffit que le projet impérial ait été notifié, l’adhésion est acquise, et rien de plus n’est nécessaire. « Seulement, continue Agobard, pour faire honneur à notre adhésion, les ministres ajoutèrent en s’adressant à l’assemblée : « Tout ce que votre sagacité pourra trouver d’utile, dites-le avec confiance et ne doutez pas que notre maître empereur n’exécute tout ce que vous aurez suggéré pour obéir à Dieu. » Telle fut la substance d’un second discours du gouvernement dont Agobard ne donne qu’un résumé, mais qu’il qualifie de « très agréable. » Même après cette invitation, personne ne se montra pressé de prendre la parole. Enfin Agobard se décida, « quoique le plus humble, dit-il, et le dernier de tous » (il était pourtant archevêque de Lyon), à se lever de sa place et à parler ; mais voyez avec quelle modestie et quelle crainte. « Je commençai discrètement, — non pas à faire une harangue, — encore moins un discours d’opposition, mais seulement à soumettre quelques observations, comme il convient de faire quand on s’adresse à si grands personnages, à des ministres. » Il donne ensuite l’analyse de son discours ; il commençait par remercier Dieu d’avoir inspiré au maître empereur un si beau projet ; il osait toutefois faire quelques réserves, disant que le bien absolu n’est pas de ce monde et donnant à entendre que peut-être il y avait quelque excès dans les désirs du prince. Puis il signalait une omission : l’empereur avait oublié, parmi tant de beaux