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pas le domaine des esprits analytiques et subtils. Le monument est le symbole premier-né qui traduit confusément la pensée des races neuves : plus tard les arts de détail leur fournissent un alphabet plus étendu et plus précis. C’est dans ces arts secondaires, ce détail d’ornementation qu’il faut, chercher la vraie vocation des artistes précieux que nous étudions. Leur triomphe, c’est ce luxe de chaires, de portes, d’iconostases curieusement fouillés, d’orfèvreries, de vases sacrés, qui fait de chaque église de l’Athos un musée de Cluny byzantin ; c’est surtout ce monde de saints, de vierges, de docteurs et de princes qui couvrent les murs et les voûtes de ces églises, racontant les origines glorieuses et la lamentable décadence de la peinture religieuse en Orient.

Partout ailleurs, dans ce qui fut l’empire grec, la truelle de l’imam a enseveli sous un linceul de chaux les œuvres des vieux maîtres : on en est réduit à chercher dans Sainte-Sophie les vagues contours qui transparaissent sous le crépi délité. Seul, l’Athos a été épargné ; la bienheureuse procession se déroule depuis huit siècles dans ses églises et ses réfectoires, occupant des centaines de mètres carrés. Le plus grand nombre de ces compositions, il est vrai, celles d’aujourd’hui et celles d’hier, n’offrent qu’une triste reproduction des enluminures chères aux peintres grecs contemporains ; mais celles de leurs ancêtres qu’ils ont daigné respecter nous ménagent de bien joyeuses surprises. Nous sommes arrivé à la montagne sainte avec un certain scepticisme, pensant n’y retrouver que les raides et hiératiques squelettes entrevus dans quelques vieux monastères de Grèce et de Palestine ; au lieu de cela, une école nous est apparue, pour le moins aussi vigoureuse que sa sœur cadette d’Italie, maîtresse du rayon sacré et en illuminant des œuvres savantes et vivantes. Les vices inhérens au canon byzantin, le formalisme, la gaucherie, les incorrections de dessin, la déparent et l’entravent ; mais malgré tout il émane de ses productions une flamme de vie réelle et intelligente qu’on dirait survivant aux aïeux grecs et pieusement entretenue par ces ouvriers de la dernière heure. Ils savent que, pour porter un nimbe et se mouvoir dans un fond d’or, un saint souffre néanmoins et adore comme un autre homme : ils le lui font dire. Leurs Christs, leurs Nicolas, leurs André sont mal pris parfois : qu’importe ? ils ont une âme sous leur chair, et l’on aura beau chercher, le dernier secret de l’art sera encore et toujours de mettre son âme dans son œuvre.

Les sujets de ces peintures sont distribués dans un ordre constant, suivant les prescriptions liturgiques, dans toutes les églises. Au centre de la coupole, la figure gigantesque du Pantocrator ouvre sur les fidèles ses grands yeux immobiles : une couronne d’anges et d’apôtres l’entoure. Sur les pendentifs, les quatre évangélistes