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au-dessus desquels s’élève son autorité légalement définie et universellement respectée… Telle qu’elle est néanmoins dans son ensemble, cette proclamation est certainement empreinte d’une loyale sagesse, puisqu’elle invoque la paix et l’ordre que les nouveaux sénateurs et les nouveaux députés doivent avoir la mission de maintenir de concert avec le président de la république, puisqu’elle se résume dans ces mots que tout le monde peut accepter : « Nous devons appliquer ensemble avec sincérité les lois constitutionnelles, dont j’ai seul le droit, jusqu’en 1880, de provoquer la révision. Après tant d’agitations, de déchiremens et de malheurs, le repos est nécessaire à notre pays, et je pense que nos institutions ne doivent pas être révisées avant d’avoir été loyalement pratiquées ; mais pour les pratiquer comme l’exige le salut de la France, la politique conservatrice et vraiment libérale que je me suis constamment proposé de faire prévaloir est indispensable… » Que cette proclamation de M. le président de la république soit une œuvre spontanée ou une combinaison de divers programmes préparés par les principaux ministres, qu’elle ait du être soumise à des délibérations successives et laborieuses, peu importe : l’essentiel pour le moment, c’est qu’elle a eu pour premier effet de rétablir la paix ministérielle. De la démission demandée à M. Léon Say, il n’est plus rien resté, on n’en a même plus parlé que pour la détruire. M. le ministre des finances s’est tiré de là simplement, fermement, sans se refuser à une transaction sous la garantie de la parole de M. le maréchal de Mac-Mahon, comme aussi sans abdiquer son droit de défendre la république constitutionnelle, de se présenter avec ses amis du centre gauche aux électeurs de Seine-et-Oise. Après cela, ce serait sûrement une étrange illusion de croire à une paix complète et durable. N’y eût-il que les notes presque officielles par lesquelles on commence déjà de dire que la proclamation de M. le président de la république n’est que la confirmation des discours, des idées de M. Buffet, ce serait assez pour prouver que cette paix n’est encore qu’une trêve, qu’il y a toujours deux politiques en présence, et que, si la dernière crise n’est point allée jusqu’à séparer les hommes, jusqu’à dissoudre un ministère, elle n’a pas cessé d’être au fond des choses.

Des paroles comme celles que vient de prononcer M. le président de la république sont sans aucun doute de nature à détendre jusqu’à un certain point, momentanément, une situation, et dans tous les cas elles dégagent l’autorité de M. le maréchal de Mac-Mahon. En définitive néanmoins, il est bien clair que tout dépend de ce que deviendra ce programme dans la pratique ministérielle, de ce qu’on entend par « la politique conservatrice et vraiment libérale, » par l’exécution loyale des lois constitutionnelles, et c’est ici que commence cette question de direction que la dernière crise n’a peut-être pas tranchée nettement au profit des idées de modération et de conciliation. Assurément, si on l’a-