néanmoins une victoire pour elle dans cette série d’escarmouches et d’agressions scandaleuses ; le prince de Galles était battu.
Les événemens publics lui fournirent bientôt l’occasion de prendre sa revanche. On sait dans quel état de santé se trouvait le roi d’Angleterre George III depuis une vingtaine d’années. Ce ne sont pas les secousses de la révolution française, les guerres de la république et de l’empire qui ébranlèrent la faible raison, de George III ; il faut plutôt attribuer son mal aux chagrins profonds que lui causèrent le triomphe des colonies d’Amérique et l’échec infligé à l’Angleterre par le traité de Versailles (1783). Dès l’année 1788, sa raison s’était voilée. Il fut question alors de constituer une régence, et cette crise, amena des luttes dont la tribune anglaise a gardé le souvenir. Pitt et Burke d’un côté, Fox et les whigs de l’autre, les premiers pleins de défiance à l’égard du prince de Galles, les derniers dévoués au prince leur ami, discutaient avec violence les conditions du pouvoir qui allait être déféré au régent. Enfin, après quelques mois de grandes angoisses nationales, la santé du roi se rétablit, et cette guérison fut saluée dans toute l’Angleterre par des transports de joie. Malheureusement ce sont là des atteintes dont il est difficile de se relever, — le roi en garda longtemps la trace. Sa façon de prendre part aux affaires publiques, ses prédilections connues, ses répugnances, son indifférence pour William Pitt au moment où ce grand homme d’état soutenait de si terribles luttes, son enthousiasme pour Addington, tour à tour ami infidèle ou indigne rival de William Pitt, tout cela, suivant les autorités les plus graves, indiquait une raison ébranlée. Vers la fin du mois d’octobre 1810, le mal reparut, l’intelligence s’éteignit, le souverain de l’Angleterre n’était plus même un fantôme de roi. Le parlement s’occupa aussitôt de pourvoir aux nécessités publiques, et le 5 février 1811 le prince de Galles fut investi de la régence avec certaines restrictions des prérogatives royales. Une fois assuré de son pouvoir, le prince-régent s’empressa de régler à sa guise la situation de la princesse : il sépara la fille de la mère ; la princesse Charlotte fut installée à Warwick-house avec une gouvernante, et la princesse de Galles établie à Connaught-Terrace n’eut la permission de lui rendre visite que tous les quinze jours.
Le prince-régent était tellement impopulaire que les amis de la princesse lui conseillèrent d’en appeler hardiment à l’opinion publique, après avoir tenté auprès de son mari une dernière démarche qui certainement demeurerait sans résultat. La princesse, au mois de janvier 1813, adressa donc au prince-régent une lettre où tous ses griefs étaient rassemblés avec force. On la lui renvoya deux fois sans l’ouvrir. À la troisième, lord Liverpool, chef du ministère, lui fit répondre simplement que la lettre avait été lue au prince, mais