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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/635

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LES
PLANTES CARNIVORES




I J. D. Hooker, Address to the Department of zoology and botany of the British Association, Belfast, august 21, 1874. — II. Ch. Darwin, Insectivorous Plants, London 1875. — III. F. Cohn, Beiträge zur Biologie der Pflanzen, drittes Heft, Breslau. 1875.




Ces deux mots, « plantes carnivores, » en apparence inconciliables, ont l’air d’énoncer un gros paradoxe et presqu’une hérésie physiologique : ils impliquent tout au moins une flagrante contradiction aux idées courantes sur la nutrition végétale. Dans ce cycle de migrations de la matière dont le règne inorganique est à la fois le point de départ et le terme d’arrivée (pulvis es et in pulverem reverteris), la plante semble vouée au rôle subalterne de pourvoyeuse de la nourriture des animaux. Elle seule, puisant dans le sol et dans l’air les éléments bruts et le détritus de la vie, en recompose ces productions organiques qui, transformées par les herbivores, vont finalement servir d’aliment aux animaux carnivores. On dirait qu’un ordre fatal entraîne dans ce courant le flux mobile des atomes indestructibles et que le végétal le plus noble, a réduit au régime exclusif des élémens minéraux et des engrais, n’est au fond que le substratum de l’animalité la plus infime.

Tout cela paraît être l’évidence, même lorsqu’on s’en tient aux notions vulgaires, aux apparences superficielles d’un dualisme absolu, d’un antagonisme de nature entre les animaux et les plantes ; mais le point de vue s’élargit et se rectifie lorsque, pénétrant dans l’intimité des tissus, on voit dans la plante un organisme complexe dont chaque cellule, au moins dans sa période de vitalité la plus active, n’est autre chose que l’enveloppe d’une pulpe animalisée, on dirait presque d’un animal rudimentaire. Le protoplasme, cette gelée contractile qui vit dans la cellule végétale comme un rhizo-