Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

campagne électorale qui vient de se dérouler sous nos yeux pendant quelques jours à Paris et dans les départemens, ces réunions, ces manifestations contraires qui ont eu leur retentissement, ce vote d’hier, cet ensemble de nominations, tout cela est de nature à ramener les esprits au sentiment de la réalité, à éclairer ceux qui ne demandent qu’à être éclairés, en montrant ce que le pays veut et ce qu’il ne veut pas. Tout cela est peut-être aussi la préparation significative du troisième et dernier acte des élections générales, de ce nouveau scrutin d’où sortira dans vingt jours la chambre des députés.

Quelle sera la majorité dans le sénat qui vient d’être complété par l’élection du 30 janvier ? Ce serait sans doute une présomption singulière de le dire dès ce moment, de chercher à prévoir ce que seront ou ce que feront les partis qui vont se retrouver en présence, non plus dans une assemblée souveraine comme celle qui est sur le point de disparaître, mais dans une assemblée élue pour être un des ressorts réguliers d’une constitution définie. En réalité cependant ce sénat, tel qu’il est, a une certaine couleur générale que les circonstances ne peuvent qu’accentuer. Le vote d’hier a eu évidemment ses surprises et ses petites péripéties. M. le vice-président du conseil n’a point eu décidément le bonheur que lui promettaient un peu trop triomphalement ses amis et les flatteurs de sa politique ; il a échoué dans son département natal des Vosges. M. Buffet n’a eu qu’une compensation dans son infortune électorale, celle d’avoir pour compagnon M. Dufaure, qui dans la Charente-Inférieure a été peut-être la victime d’une combinaison mal conçue, d’une liste médiocrement composée. Le chef du cabinet est resté sur le champ de bataille, les autres ministres candidats sénatoriaux ont été nommés : M. Léon Say dans le département de Seine-et-Oise, M. Caillaux dans la Sarthe, M. de Meaux dans la Loire. Plus heureux que M. Buffet, M. le duc de Broglie a triomphé dans l’Eure en compagnie de M. l’amiral de La Roncière le Noury. M. Bocher a grandement réussi dans le Calvados avec la pensée de conciliation libérale qu’il représentait. Les bonapartistes n’ont pas eu peut-être tout le succès qu’ils attendaient ; ils comptent encore néanmoins une quarantaine de nominations. Ils ont eu leurs principales victoires en Corse, dans la Charente-Inférieure, dans la Gironde, où ils ont trois élus, un ancien ministre de l’empire, M. Béhic, un ancien sénateur, M. Hubert-Delisle, un ancien magistrat, M. Raoul-Duval, le père du jeune et ardent impérialiste de la dernière assemblée. Les radicaux, de leur côté, ont leur contingent dans le scrutin ; ils ont enlevé quelques élections dans les Bouches-du-Rhône, le Var, la Drôme. Les légitimistes purs, absolument irréconciliables, sont peut-être ceux qui ont été le moins favorisés.

Qu’on s’élève au-dessus de ces détails pour embrasser l’ensemble : deux choses apparaissent assez distinctement. D’abord il n’est pas douteux que dans le nouveau sénat, tel qu’il est définitivement composé,