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chambre comme celles qui viennent de créer le sénat assurent dans nos affaires la prépondérance d’une patriotique et libérale modération.

Ce sont les partis qui divisent et fatiguent la France en créant à la surface du pays une sorte de mouvement aussi artificiel que stérile, expression infidèle de la réalité des choses. C’est par elle-même, en dehors des partis et malgré les partis, que la France vit et se sauve, gardant toujours son ressort et son élasticité, cette puissance de renouvellement qu’elle ne doit qu’à sa vaillante et honnête nature. Que de fois depuis cinq ans, si elle eût ressemblé à ceux qui ont la prétention de la régenter, de parler pour elle ou de la représenter, que de fois la France se serait arrêtée abattue et découragée, doutant de ses propres ressources ! Elle ne s’est point laissé abattre, elle s’est retrouvée promptement elle-même. Elle ressemble au bon laboureur qui, voyant tout à coup sa récolte, fruit des labeurs d’une année, emportée par un ouragan, se sent un instant vaincu par la fatalité des élémens, puis se remet aussitôt à l’œuvre, ensemence de nouveau sa terre et s’efforce de réparer le mal qui lui a été fait, de regagner ce qu’il vient de perdre. Ainsi a fait la France, elle s’est remise à l’œuvre, elle s’est relevée par le travail et l’économie, provoquant aujourd’hui, de la part des étrangers désintéressés, ces comparaisons étranges entre les vainqueurs fléchissant sous le poids des dépouilles opimes, du butin qu’ils ont conquis, et les vaincus portant sans fléchir les charges les plus accablantes. Le secret de la France est dans ses inépuisables ressources et dans sa nature laborieuse. On a pu lui prendre des provinces et de l’argent, on ne lui a pas pris cette sève et cette activité qui, en dehors des luttes politiques, restent sa force permanente, dont les effets se traduisent dans un commerce incessamment agrandi, dans un budget où le déficit est comblé par le mouvement naturel de la richesse publique.

C’est la vérité rassurante écrite en chiffres qui ont leur éloquence. Même au milieu des incertitudes de ces dernières années, le commerce français n’a cessé de s’étendre : il n’était guère que de 6 milliards en 1869, il a été de plus de 7 milliards 1/2 en 1875, et ce qu’il y a de plus significatif, c’est que la balance du commerce, défavorable jusqu’en 1869, a tourné en faveur de la France depuis 1873. Les exportations de l’année qui vient de finir ont dépassé de 349 millions les importations. Preuve évidente que, malgré des souffrances réelles qui durent encore, qui sont surtout sensibles à Paris, le travail national n’est point resté en suspens. Que faudrait-dl pour aider à ce développement ? Une ère de sécurité moins disputée, à la faveur de laquelle on pourrait ouvrir des voies nouvelles de communication et multiplier tout ce qui est un stimulant pour l’industrie, pour les affaires. Assurément, dans son ensemble, ce mouvement commercial est le signe d’une activité régulière ininterrompue, et les résultats du budget de 1875, tels qu’ils viennent d’être publiés, montrent à leur tour que, malgré la lourdeur du fardeau,