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certainement autant de dextérité que de constance à poursuivre le double but, à préparer le succès de cette politique. Il a voulu avant tout consolider la restauration alphonsiste, ménager les transactions possibles entre les opinions libérales divisées par les événemens et préserver la monarchie renaissante de l’excès des réactions aussi bien que du danger de révolutions nouvelles. Les élections qui viennent de se faire ne sont que le dernier mot de ce patient et habile travail ; elles donnent une immense majorité au gouvernement. Les anciens modérés, devenus plus ou moins absolutistes dans les affaires religieuses comme dans les affaires politiques, ne forment qu’une petite minorité. Les amis de M. Sagasta, qui ont servi la royauté d’Amédée, le gouvernement du général Serrano, et qui semblent se proposer de constituer un groupe de libéralisme progressiste sous le régime nouveau, ceux-là sont également peu nombreux. Quant aux républicains, ils ne comptent que trois ou quatre nominations, et le plus loyal, le plus séduisant, le plus honnête des partisans de la république, Castelar lui-même, a échoué à Valence, il n’a réussi qu’avec peine à Barcelone, ayant à triompher moins des hostilités ministérielles que des ressentimens de ses amis, qui l’accusent d’un excès de modération. Le reste des élus est à peu près acquis au gouvernement, et, au premier rang, M. Canovas del Castillo, le ministre de l’intérieur, M. Romero Robledo, le ministre des colonies, M. Ayala, le général Pavia, l’auteur du coup d’état de 1874, ont été nommés à Madrid.

Toutes les difficultés ne sont point à coup sûr vaincues par les élections, et M. Canovas del Castillo aura sans nul doute à déployer une certaine énergie pour faire sanctionner ses idées de libérale tolérance dans les affaires religieuses ; mais enfin ces élections récentes complètent la restauration monarchique par la restauration du régime parlementaire. Pour la première fois depuis longtemps, l’Espagne va retrouver des cortès régulières, et les chambres nouvelles auront à s’occuper sans perte de temps de deux questions pressantes qui dominent toutes les autres. La première est la question financière. Depuis un an c’est véritablement un problème de savoir comment le ministre des finances, M. Salaverria, peut suffire à toutes les dépenses de la guerre carliste. Il n’a pu indubitablement y suffire que par des expédiens de nature à surcharger une situation financière déjà si étrangement compromise par tous les gaspillages révolutionnaires. Comment sortir de là, comment refaire un budget à demi équilibré et rétablir le crédit de l’Espagne ? Voilà ce que les chambres vont avoir à décider. La seconde question d’une gravité réelle est celle de l’île de Cuba. L’Espagne est d’autant plus intéressée à en finir avec l’insurrection de Cuba que de là peuvent naître à tout instant des difficultés avec les États-Unis. Il y a deux mois à peine, le cabinet de Washington adressait au gouvernement de Madrid une note qui n’était point précisément sans doute une