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rayée et la hyène tachetée vivantes qui sont ses dérivés, et trois civettes qui se rapprochent de plus en plus des hyènes par leurs caractères ostéologiques. Les Amphycion fossiles sont intermédiaires entre le loup et le chien et un genre parmi les canidés, le Cynodon se rapproche des civettes. Enfin M. Gaudry a rapporté de Grèce vingt-deux crânes et les membres d’une espèce de singe, le Mesopilhecus Pentelici, qui relie les macaques aux semnopithèques.

La chaîne des animaux est donc continue, et les lacunes qui semblaient séparer les animaux vivans des animaux fossiles, les animaux fossiles ou les animaux vivans entre eux se comblent journellement. On connaît en paléontologie les passages des reptiles aux oiseaux ; ceux des reptiles aux mammifères existent encore en Australie, ce sont les monotrèmes (ornithorhynque et échidné) ; quelques genres d’animaux inférieurs ont même traversé toute la série des terrains depuis les plus anciens jusqu’à l’époque actuelle : tels sont les encrines, les oursins, les térébratules et les coraux à six ou huit rayons, tandis que les coraux à quatre rayons, leur souche commune, expirent déjà dans la période houillère[1].

Les phénomènes d’atavisme que nous avons constatés dans le règne végétal existent également dans le règne animal. Nous en avons déjà indiqué quelques-uns chez le cheval dont les membres présentent les rudimens avortés et sans usage des os qui sont entiers et fonctionnaient utilement chez les Palæotherium. Les exemples foisonnent, je me borne à en indiquer un petit nombre. Les chiens et les autres carnivores qui marchent sur quatre doigts ont un pouce et un gros orteil avortés munis d’un ongle, mais qui ne porte pas sur le sol. L’ornithorhynque et l’échidné ont conservé le sternum de l’ichthyosaure, reptile pélagique éteint, voisin des poissons. Chez lui, ce sternum soutenait des nageoires, chez les monotrèmes ce sont des membres antérieurs dont l’usage est de fouir le sol. Dans les baleines adultes, les dents sont remplacées par des fanons, lames parallèles élastiques implantées dans la mâchoire supérieure : elles ferment la vaste gueule de l’animal, laissent échapper l’eau par leurs interstices, mais arrêtent au passage les petits animaux dont le gigantesque cétacé se nourrit. Chez la jeune baleine, on voit les rudimens de dents analogues à celles des reptiles et des genres voisins, les cachalots et les dauphins ; mais ces dents ne poussent pas et sont remplacées par des fanons. Il en est de même chez les ruminans (bœuf, mouton, cerf, etc.) ; les incisives n’existent qu’à la mâchoire inférieure, mais sous le bourrelet cartilagineux de la mâchoire supérieure on trouve le germe des dents qui ne se sont pas développées. Un paléontologiste distingué, M. le

  1. E. Haeckel, Arabische Corallen, p. 48.