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mêlé de sa personne à quelques-uns des grands événemens de cette période. Le mariage de sa sœur, la princesse Julie, avec le grand-duc Constantin de Russie, lui avait ouvert les sphères les plus élevées du monde politique ; bien que cette union n’ait pas été heureuse et que la princesse Julie se soit séparée de son mari en 1802, le prince Léopold, encore enfant, avait su captiver tous les cœurs à la cour de Saint-Pétersbourg. Son beau-frère, le grand-duc Constantin, lui témoignait une affection cordiale. Ces premiers succès, chez un écolier, attestaient à la fois sa bonne grâce et sa discrétion précoce. Un peu avant la bataille d’Austerlitz, à peine âgé de quinze ans, il prit du service dans l’armée russe. Après la paix de Tilsitt, à l’époque où tant de princes allemands venaient courtiser Napoléon, le jeune Léopold fit aussi le voyage de Paris, y fut reçu par l’empereur, et l’année suivante assista au congrès d’Erfurt. Il ne paraît pas qu’en 1812 il ait repris son poste dans l’armée russe ; mais en 1813 il fut un des premiers princes de son pays qui donnèrent le signal du soulèvement germanique. À Vienne, en 1814, durant les premières conférences du congrès, à Paris l’année suivante, on le verra négocier auprès des puissans du jour en faveur de son frère le duc régnant de Saxe-Cobourg-Gotha, et obtenir pour lui un agrandissement de territoire ; mais ceci n’intéresse plus notre histoire, il faut rester à Londres au mois de juin 1814, pendant la visite des souverains alliés au prince-régent d’Angleterre.

La bonne grâce, la haute noblesse, l’élégance royale du prince Léopold, qui contrastaient si fort avec le sans-gêne du prince d’Orange, frappèrent agréablement la princesse Charlotte dès la première occasion qu’elle eut de le rencontrer. Miss Knight, la gouvernante de la princesse, a écrit dans ses Souvenirs que le prince Léopold avait essayé à plusieurs reprises d’attirer l’attention de sa jeune maîtresse sans produire sur elle aucune impression favorable. Stockmar dit tout le contraire, et il le dit d’après une autorité irrécusable, car il tient le fait de miss Mercer-Elphinstone, l’amie intime de la princesse, qui en savait sans doute plus long que miss Knight sur des choses si secrètes. Suivant les confidences de miss Mercer-Elphinstone, recueillies avec une sorte de piété par le baron de Stockmar, la première fois que la princesse Charlotte aperçut le jeune prince de Saxe-Cobourg, elle éprouva le désir de le connaître davantage. Elle parla même de ce désir à sa tante York, la femme du duc ; c’était une princesse allemande, la propre sœur du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, et elle était plus en mesure que personne de procurer à sa nièce l’entrevue qu’elle souhaitait. La princesse Charlotte n’aurait pas fait cette demande, si elle avait