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exposés. Lorsqu’on a vu les expositions si fournies, si variées, si abondantes de Delacroix et d’Ingres ; lorsqu’on s’imagine ce qu’eût pu être une exposition de l’œuvre entier de Gros, de David, d’Horace Vernet, d’Ary Scheffer, de Delaroche ; lorsqu’on se rappelle l’exposition à ce même palais des Beaux-Arts d’une seule partie de l’œuvre de Paul Baudry, les peintures destinées au nouvel Opéra, on est un peu surpris du maigre héritage de Pils. Quelques grands tableaux, la Bataille de l’Alma, le Débarquement en Crimée, le Jeudi-saint, une dizaine de petites toiles, l’École à feu, la Tranchée, les Zouaves, le Rouget de l’Isle, le Retour de la chasse, puis une multitude d’aquarelles, de dessins, d’ébauches, d’esquisses, de croquis, c’est là tout. On a compté sur une promenade dans une exposition et on ne fait guère qu’une visite à un atelier, à l’époque des envois au Salon. Au reste la fécondité n’est pas le génie. N’eût-il fait que le Naufrage de la Méduse, Géricault n’en serait pas moins au Panthéon de l’art. Mais Pils n’est pas de la famille des grands peintres. Sauf sa Bataille de l’Alma, le Débarquement, deux ou trois petits tableaux, militaires et ses aquarelles, toutes marquées au signe de l’originalité, pleines d’air et de pittoresque, et lavées d’une touche légère, son œuvre sera vite oublié. Peintre convenable, soigneux, élevé à une bonne école, il n’a pas de qualité dominante. Dans presque tous ses tableaux d’histoire ou de genre, la composition est banale, le dessin indécis, la couleur sans éclat et sans vigueur. C’est à cause du sujet qu’on s’arrête devant le Rouget de l’Isle chantant la Marseillaise. Le Retour de la battue, peint tout entier dans une gamme gris-ardoise, nous montre une réunion de chasseurs devant un château à tourelles qui est un joujou. Jamais les chasseurs ne pourront entrer par ces petites portes, ni se tenir debout à ces petites fenêtres. L’esquisse de la Mort d’une sœur de charité est d’un beau sentiment, mais l’exécution du tableau ne vaut peut-être pas mieux que celle de la Prière à l’hospice et du Jeudi-saint.

Pour Pils, hésitant entre les tableaux religieux, les sujets mythologiques et les tableaux de genre, la campagne de Crimée fut le chemin de Damas. Fils d’un soldat, il se fit peintre de soldats. Au Salon de 1855, sa Tranchée devant Sébastopol, qui rachète sa couleur terreuse par l’attitude pittoresque des figures et une certaine originalité dans l’expression du troupier moderne, fut remarquée. Le prince Napoléon lui commanda alors le Débarquement en Crimée. Ce tableau, qui est exposé aujourd’hui à l’École des Beaux-Arts, justifie le succès qu’il obtint au Salon de 1857. Pils a heureusement agencé sa composition, de façon à contenter et le public et l’auteur de la commande. Au premier plan, le maréchal Saint-Arnaud, déjà malade,