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tradition la laissait un peu dépaysée sur ce nouveau théâtre où elle était amenée presque à son insu.

Plus que jamais notre agriculture avait besoin de s’instruire et de se renseigner. Sans nul doute les journaux spéciaux, les brochures, les livres sont fort utiles pour l’expansion de l’instruction ; mais ils s’adressent surtout aux jeunes générations. Les réunions, les discussions publiques conviennent bien mieux pour l’enseignement des hommes déjà faits, de ceux qui écoutent, mais qui n’ont pas le temps de lire. Il était donc urgent de convoquer de grandes assemblées périodiques où les agriculteurs venus de tous les points de la France pourraient discuter en parfaite connaissance la grande cause du progrès agricole, pour lequel il ne saurait y avoir qu’une noble et patriotique émulation sans aucune mesquine rivalité. Il était urgent de réunir ces agriculteurs en une vaste association disposant d’abondantes souscriptions, grâce auxquelles elle pourrait distribuer des encouragemens efficaces.

Ce vigoureux projet de substituer ainsi l’initiative privée à la tutelle administrative a été conçu et mené à bonne fin par M. Lecouteux, écrivain agricole distingué autant qu’excellent praticien. Son plan d’une vaste association d’agriculteurs s’étendant sur toute la France reçut immédiatement un sympathique accueil de la part de tous les hommes de progrès que leurs goûts ou leurs intérêts rattachent à l’agriculture. Grâce aux persévérans efforts des promoteurs de l’œuvre, plus de deux mille adhésions furent acquises avec une promptitude étonnante dans un pays aussi peu habitué que le nôtre aux idées d’association. Il fallait à cette société naissante le patronage d’un homme éminent, capable de la garantir des ombrages d’un gouvernement peu soucieux du réveil de l’esprit public en France. M. Drouyn de Lhuys accepta une présidence temporaire que les suffrages de l’association lui ont constamment conservée depuis sa fondation.

La première session de la société a eu lieu au mois de décembre 1868. Depuis cette époque, une réunion générale s’est tenue chaque année à Paris, excepté en 1871, année malheureuse et fatale héritière de la déclaration de guerre de 1870. La durée des sessions est de huit jours environ. L’assemblée se divise en sections, dont les membres passent chaque matinée dans le huis-clos de leurs bureaux respectifs, étudiant les questions de leur compétence. Les rapports ainsi préparés dans les sections sont ensuite lus à tour de rôle dans la réunion générale qui suit dans la journée. L’affluence y est toujours nombreuse, et les débats sont souvent fort animés. Les grandes questions intéressant l’agriculture entière de la France, telles que les traités de commerce, les impôts, l’utilisation des cours d’eau pour l’irrigation et la fécondation du sol, les ravages du phylloxéra, les progrès de l’industrie chevaline, les réformes à introduire dans les concours régionaux agricoles, les progrès de