Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/945

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le service d’une artillerie devenue plus lourde et plus considérable, pour l’approvisionnement de corps de troupes plus nombreux, pour la remonte d’une cavalerie destinée forcément à être augmentée. Comme l’on ne saurait compter pour ce recrutement sur l’importation étrangère, qui ne fonctionne qu’en temps de paix, l’on voit que le développement de la production chevaline en France intéresse notre sécurité elle-même.

Quelque notables qu’aient été les progrès de cette industrie, elle n’a pu suivre d’un pas égal l’accélération de la demande. Si dans certains départemens la production a atteint une prospérité et même un éclat sans pareils, dans d’autres elle est restée stationnaire ; elle a même complètement rétrogradé dans une grande partie de la France. La région du nord-ouest se trouve dans le premier cas. L’humidité du climat y favorise merveilleusement la végétation des fourrages, que la fertilité du sol et les soins de la culture contribuent à rendre aussi substantiels qu’ils sont abondans. Sous l’influence d’une bonne alimentation, les jeunes chevaux prennent de belles et vigoureuses formes ; leur force est encore accrue par les travaux modérés de culture auxquels le sol, de nature légère et presque partout en plaine, permet de les utiliser. Cet exercice les assouplit et les développe, tout en diminuant leurs frais d’entretien.

Dans cette région se trouve la plantureuse Normandie, d’où viennent ces superbes attelages de voiture de luxe admirés dans nos grandes villes. Là se rencontre aussi la verte Bretagne, dont les chevaux plus robustes traînent vaillamment les lourdes charges à de rapides allures. L’élevage du cheval s’y pratique dans les conditions les plus économiques et les plus avantageuses ; aussi les cultivateurs s’y sont-ils habitués de longue main à donner à leurs animaux ces soins attentifs que l’on prodigue à tout ce qui cause la fortune. Le paysan y est homme de cheval. D’autres régions, particulièrement celles du nord, seraient également aptes à l’industrie chevaline, grâce à la fertilité du sol ; mais l’extension donnée à la culture de la betterave tend à y éliminer le cheval au profit du bœuf, qui convient mieux aux durs travaux de cette plante, dont il utilise du reste la pulpe nourrissante.

Arrivons à la région montagneuse du centre de la France. Le sol y est peu fertile, et les fourrages qu’il produit sont impuissans à donner aux animaux cette puissance musculaire, à laquelle la nerveuse ardeur de la race ne peut suppléer qu’imparfaitement. Doux, sobres, intelligens, résistans à de longues marches par les chemins les plus difficiles, pourvu que l’allure soit modérée, ces chevaux de montagne convenaient parfaitement au cavalier d’autrefois, allant piano e lontano ; mais ils ne répondent plus aux exigences actuelles de rapide locomotion. Le type le plus remarquable de ces races était le cheval limousin, qui disparaît