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LA
BOSNIE ET L’HERZEGOVINE
PENDANT L’INSURRECTION
SOUVENIRS DE VOYAGE.

Le désir de voir les traces de la domination vénitienne dans les anciennes colonies de l’Adriatique et la nécessité de recueillir des documens dans les archives locales m’avaient amené à parcourir l’Istrie, la Dalmatie et le Monténégro pendant l’automne de 1874. Le soulèvement des provinces slaves de la Turquie d’Europe au mois d’août 1875 m’a rappelé dans les mêmes régions : cette dernière excursion s’est accomplie dans des circonstances assez particulières pour que j’entreprenne d’en faire ici le récit. Le pays était en pleine insurrection, les conditions habituelles de la vie étaient changées, les garanties dont jouit le voyageur en temps de paix étaient suspendues, et, à dire vrai, ce n’était plus une excursion; c’était une aventure. Il ne s’agissait pas de suivre les opérations militaires; mon but était de me rendre compte de l’intensité du mouvement, des ressources des insurgés comme de celles des Turcs, et de réaliser l’irréalisable projet de passer d’un camp dans l’autre sans trahir personne.

Le 1er septembre 1875, je revenais à Trieste décidé à m’embarquer le lendemain pour Raguse; je comptais gagner de là Trébigné, puis Mostar et l’intérieur. Le jour même, ayant eu la précaution d’assister à l’arrivée du paquebot d’Albanie, afin de m’aboucher avec les voyageurs qui venaient de Raguse ou de l’Herzégovine, sur le conseil de deux passagers, un officier anglais et un ingénieur belge, qui avaient été, l’un à Mostar même, l’autre à Cettigné, je changeai brusquement d’itinéraire.