les arts y font des progrès. Elle n’a donc aucune action sur la civilisation d’un peuple. » Comme on le voit, ce passage, dirigé surtout contre le christianisme, va jusqu’à dénier toute influence bienfaisante aux inspirations religieuses.
Et cependant l’histoire est là pour témoigner que les fermes croyances sont un élément prépondérant de l’éducation des grandes races. Il y a au fond de la nature humaine une lutte sourde entre l’égoïsme natif et l’on ne sait quel impérieux besoin de sacrifice et de dévoûment. De toutes les forces qui font pencher la balance vers la générosité et arrachent l’homme à son individualisme, la religion est sans contredit la plus puissante. C’est par elle qu’il se sent un point d’appui sur l’absolu, un lien avec l’infini, et par conséquent une conscience souveraine et des droits imprescriptibles; mais quand le doute est partout, les opinions chancelantes ne sont plus des convictions, ce sont des hypothèses que l’on abandonne suivant la première impulsion venue, il n’y a pas d’esprit public parce qu’il n’y a pas de caractères. Une nation dans de telles conditions peut arriver à un haut degré de prospérité matérielle et de raffinement, mais comme corps politique, elle est vouée à l’anarchie, et, comme famille humaine, elle reste dans ces limbes où séjournent encore les organismes imparfaits.
Cette éclipse totale du sentiment religieux est-elle définitive? ou peut-on espérer un retour spiritualiste dont l’histoire ne fournit guère d’exemples? Y a-t-il un remède au scepticisme, et faut-il voir un symptôme favorable dans la multiplicité des discussions qui s’engagent dans la presse à propos des dogmes chrétiens et des récits bibliques? A y regarder de près, c’est non point un élan mystique qui se révèle dans ces thèses, mais un sens critique qui en est précisément exclusif. Le mouvement qui s’accomplit dans les esprits a pour objet de répudier à la fois les religions natives comme surannées, et les religions étrangères comme absurdes; il rappelle de loin celui qui signala la fin du XVIIIe siècle en France. Les conversions obtenues par les missionnaires, quand elles ne sont pas le prix convenu de leur bienfaisance charitable, indiquent moins un réveil de la piété qu’une certaine versatilité plus manifeste encore dans d’autres imitations européennes. Il y a environ deux ans, il fut question de réunir une sorte de concile où tous les cultes reconnus du globe auraient envoyé leurs avocats et dont l’œuvre eût consisté à fixer une croyance unique pour tous les sujets du mikado. Ainsi l’on n’hésitait pas à trancher législativement une question de foi, et l’on se disposait sans embarras à décerner le prix entre les différens dieux au plus méritant et au plus raisonnable. On s’aperçut à temps qu’il est encore plus difficile de décréter un symbole que d’importer