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les libéraux modernes de Turin, Balbo, Massimo d’Azeglio, Carlo Boncompagni, Michelangelo Castelli. Le Risorgimento représentait les opinions de tous ceux qui voulaient maintenir l’accord des peuples et des princes, qui s’efforçaient de régulariser, sans l’enchaîner, le mouvement libéral et national de l’Italie. Cavour n’était pas précisément un journaliste ; pour lui, le journal n’était qu’une forme nouvelle de l’action, qui lui a été utile comme tout ce qu’il a fait, qui l’obligeait à préciser ses idées, et coup sur coup, à peu d’intervalle, dans deux circonstances décisives, le journaliste, le leader du libéralisme modéré montrait qu’il ne reculait pas devant les résolutions les plus graves.

Un jour, aux premiers momens de 1848, Gênes, la ville aux passions vives, avait été troublée, et une députation s’était rendue à Turin pour demander au roi Charles-Albert l’expulsion des jésuites et l’établissement d’une garde nationale. L’excitation était dans les esprits. La députation génoise ne laissait pas de trouver faveur dans une réunion des libéraux de Turin. Cavour comprit aussitôt qu’on faisait fausse route, qu’à réclamer des mesures de rigueur contre les jésuites on risquait d’inquiéter le roi dans ses sentimens religieux, qu’une garde nationale ne pouvait être qu’un instrument de trouble et de sédition, tant qu’il n’y avait pas une représentation légale du pays, et il proposait d’aller droit au but, sans s’arrêter à la pétition génoise, — de demander une constitution ! C’était effectivement plus politique en même temps que plus hardi, puisqu’en allant plus loin on flattait l’orgueil et les secrètes ambitions du prince dont la constitution ferait le chef de l’Italie libérale. Cavour se montrait là tout entier, et chose curieuse, ceux qui le combattaient le plus vivement, ceux qui refusaient de le suivre, c’étaient les hommes du libéralisme extrême, du parti démocratique, M. Valerio, M. Sineo, qui se déliaient de son goût pour les institutions anglaises, qui l’appelaient ironiquement « milord Camille. » Dès ce moment, la question était posée entre la politique constitutionnelle et la politique révolutionnaire.

Peu après, tout avait singulièrement changé ; il ne s’agissait plus de la constitution conquise sur les hésitations de Charles-Albert. La révolution du 24 février venait d’éclater, allumant l’incendie partout, en Italie et en Allemagne, à Vienne même comme à Berlin. La Sicile était déjà en insurrection. Milan, après cinq jours de combat, chassait les Allemands. Au même instant, Venise s’affranchissait de son côté. La domination autrichienne, affaiblie au centre de l’empire par la révolution viennoise, tenait à peine encore dans ses forteresses de l’Adige. A Turin, tous ces événemens retentissaient comme des appels enflammés. Cavour un des premiers, prononçait