Piémont une invasion plus lourde et créer au gouvernement une situation plus difficile. Ainsi la défaite à Novare, l’armée décomposée, le pays menacé de la ruine, l’agitation à Turin, la guerre civils à Gênes, l’incertitude partout, c’était là le terrible lendemain de la catastrophe. C’est dans ces conditions que le jeune prince appelé à hériter de la couronne de Charles-Albert partant pour l’exil, que Victor-Emmanuel, à peine échappé du champ de bataille, rentrait à Turin aux derniers jours de mars 1849, pour se trouver aux prises avec les difficultés d’une situation où tout dépendait du premier moment.
Deux politiques étaient possibles pour le nouveau règne. Victor-Emmanuel, dans cette heure décisive de réaction européenne et de confusion nationale, pouvait laisser tomber le « statut » et le régime libéral récemment inauguré, reprendre le drapeau bleu de Savoie, revenir au passé en s’enfermant désormais dans ses frontières, sans plus regarder au-delà du Tessin, — vers l’Italie. À ce prix, il eût certainement obtenu une paix plus douce, et il aurait eu l’appui de l’Autriche dans ses embarras. Autour de lui, les sollicitations ne manquaient pas, les influences les plus puissantes cherchaient à l’incliner vers cette résolution qui lui aurait donné peut-être une certaine sécurité du moment, — en le laissant, il est vrai, dans la modeste condition d’un client de l’Autriche, d’un autre duc de Modène ou d’un autre grand-duc de Toscane. Victor-Emmanuel pouvait aussi se résigner virilement à la mauvaise fortune, subir les conséquences de la guerre, mais sans sacrifier le « statut » et le drapeau tricolore, ces deux représentations survivantes, ces deux symboles de l’indépendance piémontaise et des espérances italiennes. Placé entre ces deux politiques, Victor-Emmanuel, dans sa loyauté de soldat et de prince, n’hésitait pas : il acceptait ce rôle de roi libéral et national que les circonstances ménageaient comme une promesse de revanche à sa fierté de vaincu, et certes le gage le plus significatif qu’il pût donner de la franchise de ses intentions était d’appeler presque aussitôt au poste de premier ministre celui qu’on pouvait appeler le chevalier de l’Italie, Massimo d’Azeglio, encore tout éclopé d’une blessure reçue à Vicence. C’est ce qui a décidé de la fortune de l’Italie, c’est ce qui a fait de cette journée de Novare non plus seulement une date de deuil, le dénoûment sanglant des tentatives incohérentes de 1848, mais encore le point de départ obscur, décisif, d’une période nouvelle. Par le drapeau aux trois couleurs italiennes conservé et le « statut » maintenu, l’avenir était sauvé. « C’est un long travail à refaire, disait d’Azeglio, nous recommencerons. » Et de son côté Cavour écrivait au même instant à Salvagnoli : « Tant que la liberté existe dans un coin de