lui enlève son enfant et elle est emprisonnée dans le château de Nice. Les seigneurs de Berne et de Bâle intercédèrent en vain en sa faveur ; ainsi firent le duc de Saxe et le comte palatin. Le duc de Savoie fit mine d’attribuer la détention de l’amirale à des menées politiques sur lesquelles il ne donna aucune explication[1].
Qu’allait devenir Louise de Coligny ? Elle était pour tous un objet de pitié : elle devint bientôt un objet d’admiration. « Cas étrange, dit Brantôme, en ce pays barbare et rude, elle prit telle grâce et telle habitude si vertueuse qu’étant en France de retour, elle se rendit admirable par ses vertus et bonnes grâces, et donna au monde occasion de s’ébahir et de dire, pour l’amour d’elle, que les pays durs, agrestes et barbares, rendent quelquefois les dames aussi accomplies et gentilles que les autres pays doux, courtois et bons. » Mme de Téligny ne rentra en France qu’après la promulgation de l’édit accordé par Henri III aux réformés en 1577. Elle ne se montra à la cour que pour demander la cassation de l’arrêté rendu contre son père par le parlement de Paris, après la Saint-Barthélémy. Elle était pauvre, n’ayant reçu en dot que 3, 000 livres de rente, représentées en partie par un petit domaine dans le Gâtinais. Téligny lui avait donné un douaire égal, assigné sur la terre de Lierville en Beauce. Sa petite seigneurie du Gâtinais était voisine de Châtillon, où son frère aîné était rentré.
Les hommes de fer du XVIe siècle ne connaissaient guère les longs veuvages. Coligny avait pris une seconde femme ; Guillaume d’Orange, après la mort de Charlotte de Bourbon, sa troisième femme, rechercha Mme de Téligny et « l’épousa l’an 1583, dit Du Maurier, sur la réputation de sa vertu. » Elle n’avait pas eu d’enfant de Téligny, elle venait d’atteindre sa vingt-huitième année. Bien qu’il eût été marié trois fois, Guillaume d’Orange, toujours exposé au poignard des assassins, n’avait auprès de lui qu’un fils, le prince Maurice ; l’aîné, enlevé en 1568 par le duc d’Albe, était toujours prisonnier en Espagne. Les trois filles qu’il avait de ses deux premiers mariages, les six filles que lui avait données Charlotte de Bourbon, ne pouvaient continuer son œuvre. Il n’est pas étonnant que, n’ayant encore que cinquante ans, il espérât avoir d’autres héritiers. Son cœur était tout français : il avait tendrement aimé Charlotte de Bourbon ; il voulut reprendre une femme française, bien qu’on essayât de l’en détourner.
Henri III avait trop d’esprit politique pour ne pas appuyer la demande de Guillaume d’Orange, qui enchantait les huguenots et qui pouvait servir les intérêts de la maison de Bourbon. Louise fut conduite par mer à Flessingue, et le mariage fut célébré à Anvers le
- ↑ La Veuve de l’Amiral Coligny. Paris 1875.