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ciel quand il se permet, comme c’est ici le cas, d’infecter de son désagrégeant vibrionisme ceux qui lui sont devenus sacrés, et j’étais en conséquence assez porté à admettre que, si le châtiment excède le mérite de la duchesse, il n’excède pas en revanche l’indignité du duc. Il faut frapper l’oisif ! L’oisiveté est donc un crime digne de mort ? J’aurais cru qu’elle était simplement, selon les circonstances, soit digne de flétrissure, soit digne de blâme. Voilà une sévérité, qui, je le crains bien, n’est pas destinée à faire fortune, même auprès des législateurs les plus draconiens de la société la plus démocratique, Il est vrai que, selon un vieux proverbe, « l’oisiveté est la mère de tous les vices, » et que le duc de Septmonts n’est pas précisément pour le démentir. Cependant il ne ressort pas avec évidence que ce soit de l’oisiveté qu’il tienne les vices qui le décorent. Je crois fort que c’est la nature plutôt que l’oisiveté qui fait les vibrions, et qu’on en compterait bon nombre parmi les gens très occupés. Il y a donc encore ici une de ces outrances de sévérité, si fréquentes chez M. Dumas, qui blessent presque infailliblement la morale qu’elles prétendent servir.

La morale de M. Dumas ! quel curieux petit essai de psychologie il y aurait à écrire sur ce sujet, si nous avions quelque peu du loisir de ces oisifs qu’il veut châtier. Son effort pour moraliser par le théâtre, ses théories sociales, ses visées mystiques, il a été souvent question de tout cela dans ces dernières années, soit pour l’en railler, soit pour loi faire remarquer qu’il en devenait plus inhabile à construire ses pièces et qu’il y perdait en talent sans y gagner en portée, Nous ne lui ferons aucun reproche pareil, car, pour nous, rien autant que ces préoccupations ne témoigne de la supériorité de son intelligence, Il n’est pas d’un esprit vulgaire d’avoir su reconnaître qu’il y a quelque chose au-delà de nos succès et du monde qui nous les donne, il est encore moins d’une âme vulgaire d’avoir cherché Dieu quand on a si bien pratiqué et peint le diable. Sensées ou non, logiques ou non, la justification de ces visées c’est qu’elles sont sincères et sans ambition ; il est évident, pour nous, que M. Dumas est venu à la philosophie et à la religion comme La Fontaine à Baruch et à Platon, naïvement et en toute admiration ; il y est venu parce qu’il a beaucoup vu le contraire de ce qui est philosophie et religion. Je répète ma pensée en la variant et en la complétant : rien mieux que ces démangeaisons du divin n’est fait pour montrer avec quelle profondeur et quelle vigueur d’intelligence il a observé, scruté, pénétré le monde du mal ; s’il ne le connaissait si bien, il ne chercherait pas ailleurs. Eh bien ! qui le croirait ? ce qui fait sa supériorité fait aussi sa faiblesse. Vous vous demandes pourquoi, avec tant de bonne volonté ; sa morale frappe si souvent à faux ; c’est précisément qu’il y porte les défauts que l’on contracte à la fréquentation et à l’étude du mal, et qu’il flagelle le diable avec l’esprit du diable même. Apreté