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sociale comme la sédition de juin 1848, on pourrait voir encore ; mais la commune de 1871 a eu cela d’exceptionnellement criminel, qu’elle a été un acte de trahison nationale, un déchirement de la patrie commune devant l’ennemi, et lorsqu’on se donnant l’air de plaider la cause de la population parisienne on invoque les circonstances atténuantes, les ressentimens du siège, les surexcitations mentales causées par les souffrances, c’est un vain subterfuge : il ne s’agit pas de la population parisienne qui a été la première victime, il s’agit, on le sait bien, de ceux qui ont abusé de Paris en fondant leur domination criminelle sur un égarement momentané, qui ont assassiné, incendié, qui ont exposé la France à rester spectatrice désarmée de l’entrée des Prussiens dans Paris, si les Prussiens l’avaient voulu. Ce sont là les vrais coupables, ceux que la justice a frappés et qu’aucune amnistie ne peut relever de la condamnation qui les a justement frappés.

Que parle-t-on de la nécessité ou de la convenance d’un acte d’oubli qui aurait la portée d’effacer ces faits encore si récens ? On n’effacera pas du même coup les traces et les conséquences d’un tel attentat, on ne pourra pas effacer de sitôt tout ce qui est écrit sur les ruines accumulées dans Paris, et, dans la situation faite à la France, ce serait comprendre étrangement le patriotisme, le devoir national, de montrer qu’on peut mettre le pays en péril, donner des armes à l’étranger, provoquer une aggravation d’invasion, et en être quitte pour quelques années d’expiation. Il n’y aurait plus qu’à « effacer le fait ! » Et quel moment choisit-on pour réclamer cet acte d’oubli ? On vient de le voir, c’est le moment où ces coupables qu’on veut amnistier viennent de célébrer à Berne, à Lausanne, à Londres, l’anniversaire de l’insurrection du 18 mars. Ils n’oublient rien, quant à eux, ils prennent soin de se remettre dans la mémoire de la France en revendiquant la responsabilité de leurs exploits, en regrettant de n’avoir pas mieux fait, et en proférant des menaces nouvelles. Voilà les collaborateurs que M. Victor Hugo, M. Raspail et leurs amis sont assurés de trouver dans cette œuvre d’apaisement dont l’amnistie serait, à ce qu’ils prétendent, le symbole ! Ce n’est point sans doute pour le moment une amnistie de ce genre qui a des chances. La plus grande partie de la gauche ne l’accepterait pas ainsi comprise ; les commissions du sénat et de la chambre des députés la repoussent, le gouvernement s’est prononcé sans hésitation contre un acte semblable. Que reste-t-il donc de l’avis de tous ceux qui, sans vouloir effacer des faits comme ceux de 1871, n’excluent point assurément de la politique l’humanité et la clémence ? Il reste ce qui est écrit dans la constitution, le droit de grâce qui appartient à M. le président de la république et qui peut s’exercer selon les circonstances à l’égard des moins coupables ou des moins responsables. Jusqu’à quel point pourrait-on associer non pas à l’exercice de ce droit, mais à la préparation des grâces, une commission nouvelle prise dans le parlement ?