à accepter ce traité, qui affermit nos bonnes et cordiales relations avec la France… » Et Cavour ajoutait un mot plus frappant encore qui, prononcé en 1851, ressemble à une prophétie : « Ne peut-il pas arriver telle complication où soient enveloppés tous les peuples qui nous entourent, qui partage en deux camps l’Orient et l’Occident ? Si cela arrivait, voudrions-nous n’être pas bien avec la France ? .. » Ainsi tout se coordonnait sous le sceau d’une pensée libérale et prévoyante qui savait se servir des finances, du commerce, de la diplomatie, pour remettre le Piémont en marche.
Ce que Cavour faisait par son système financier et commercial, il le tentait et le réalisait dans une plus haute sphère morale par sa politique religieuse, par cette politique qui a été une des expressions les plus complètes du libéralisme appliqué aux affaires de l’église. Remettre la situation ecclésiastique d’accord avec les principes du « statut, » maintenir la direction libérale et nationale de la politique piémontaise dans les relations de la puissance civile avec l’église et avec la cour de Rome, c’était là le problème qui se débattait à Turin. Il se reproduisait invariablement à mesure que se succédaient, comme des conséquences de l’ordre nouveau, toutes ces lois sur l’abolition des privilèges ecclésiastiques, sur le mariage civil, sur la réorganisation des biens du clergé, sur la suppression de certains ordres monastiques. Sur chaque projet, la lutte renaissait plus ardente ; à l’agitation cléricale, entretenue par les protestations de Rome, répondait l’agitation anticléricale. Dans le parlement, la gauche accusait le gouvernement de ne pas procéder avec assez de résolution et d’énergie dans les affaires religieuses ; la droite se plaignait qu’on ne négociât pas avec le saint-siège, qu’on n’attendît pas le bon plaisir de Rome. Cavour portait dans le maniement de ces questions aussi délicates que redoutables l’esprit le plus décidé et en même temps le plus affranchi de préjugés.
Un moment, il est vrai, il avait été de ceux qui croyaient qu’on pouvait s’entendre avec le saint-siège ; il ne tardait pas à s’apercevoir que c’était impossible, d’autant plus que la réaction religieuse, grandissant en Italie comme en Europe, ne faisait que fortifier la cour de Rome dans ses exigences et dans ses résistances. Il voyait bientôt surtout le pontificat se compromettre par une victoire de théocratie, par le concordat autrichien, dans la plus dangereuse solidarité avec la domination étrangère au-delà des Alpes. Au fond, il ne croyait plus à un accord avec Rome pour la réalisation des réformes que le Piémont avait à cœur, et, quant à lui, il ne le désirait plus. « Si nous nous mettons en relation directe avec Rome, écrivait-il dans une lettre tout intime, nous ruinons de fond en comble l’édifice politique que nous avons tant de peine à élever. Il n’est pas possible de conserver notre influence en Italie, si nous entrons