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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/879

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combien peu ont profité à l’Italie les conjurations, les complots, les révolutions, les mouvemens désordonnés. Loin d’améliorer sa condition, ils ont été l’un des plus grands maux qui aient affligé cette belle partie de l’Europe, et cela non-seulement à cause des innombrables malheurs individuels qui en sont résultés, mais aussi parce que ces complots continuels, ces insurrections, ces désordres ont eu pour effet de diminuer l’estime, la sympathie que les autres peuples pouvaient avoir pour l’Italie… Maintenant la condition principale de l’amélioration du sort de la péninsule est de relever sa renommée… Pour cela, deux choses sont nécessaires : il nous faut d’abord prouver à l’Europe que l’Italie a assez de sagesse civile pour se gouverner librement, qu’elle est en situation de se donner la forme de gouvernement la plus parfaite ; il faut en second lieu prouver que la valeur militaire est toujours telle qu’elle était au temps de nos aïeux. Voici sept ans que vous faites beaucoup pour l’Italie. Vous avez montré à l’Europe que les Italiens savent se gouverner avec sagesse… Vous devez faire davantage encore. Notre pays doit prouver de nouveau que ses enfans savent combattre avec valeur sur les champs de bataille. Croyez que la gloire que nos soldats sauront rapporter des rivages de l’Orient fera plus pour l’avenir de l’Italie que n’ont fait toutes les déclamations du monde… » Cavour, en parlant ainsi, en fascinant les chambres par sa patriotique pensée, en enlevant non sans peine un vote disputé, Cavour ne se dissimulait pas d’ailleurs qu’il jouait une redoutable partie. Il l’avait écrit à un ami en venant de signer le traité : « J’ai pris sur ma tête une responsabilité terrible. N’importe, arrive ce qui pourra, ma conscience me dit que j’ai rempli un devoir sacré ! »

Plus d’une fois, à partir de ce moment, à dater de ce jour d’avril 1855 où La Marmora, avec ses 15,000 Piémontais, cinglait vers la Crimée, plus d’une fois Cavour se sentait ému de cette responsabilité qu’il avait prise. La petite armée se montrait sans doute aussitôt digne de figurer à côté des alliés devant Sébastopol, et même elle avait l’instinct qu’elle était là pour une grande pensée. A un pauvre soldat qui se débattait dans la boue d’une tranchée, un jeune officier disait gaîment : « Ne fais pas attention, c’est avec cette boue que se fait l’Italie ! » Cavour ne passait pas moins par les plus vives émotions, d’autant plus que dès son arrivée, avant de combattre les Russes, le petit corps piémontais avait à se mesurer avec un autre ennemi, avec les maladies, avec le choléra. Le fléau frappait à coups redoublés dans le camp piémontais. A un moment de l’été, les nouvelles funèbres se succédaient à Turin. C’étaient le major Cassinis, Victor de Saint-Marsan, un Casati, qui périssaient obscurément dans la fleur de la jeunesse. Le frère du chef de l’armée, le général Alexandre de La Marmora, était à son