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supprimer des ambassadeurs, pour abroger toutes les lois sur la presse, sur les réunions, sur les associations. C’est là précisément ce qui peut s’appeler ne rien faire ou se débattre dans le vide. Et qu’on ne dise pas qu’après tout c’est inoffensif, que le pays ne reste pas moins tranquille et rassuré, confiant désormais dans les institutions qu’il a sanctionnées de son vote, dans la majorité nouvelle qu’il a envoyée à Versailles. Assurément le pays est tranquille. Aujourd’hui comme il y a six mois, comme il y a un an, il vit de sa propre force, de sa propre impulsion, poursuivant son travail obstiné et paisible, en dehors des agitations des partis, en dépit des majorités officielles qui le représentent alternativement. Quand il a donné son vote dans un scrutin plus ou moins solennel, il revient à sa besogne patiente et obscurément féconde ; mais ce serait une étrange erreur de croire que, parce qu’il a donné son vote à la république, le titre de républicain suffit à ses yeux pour tout expliquer ou tout pallier, et qu’il ne finirait pas par se lasser d’un spectacle trop prolongé d’abus de pouvoir, d’enfantillages vaniteux et de confusions stériles.

Assurément les assemblées nouvelles, bien plus encore les assemblées novices, ont souvent de ces difficultés et de ces incertitudes du premier moment. Cette chambre des députés qui est arrivée récemment à Versailles est, dit-on, pavée de bonnes intentions et même de talens inconnus. Soit, nous verrons bien au retour des vacances. Malheureusement jusqu’ici les bonnes intentions n’ont pu réussir à se préciser ; elles n’ont empêché ni les incohérences, ni les infatuations plus nombreuses que les talens, ni les préoccupations de parti, ni les excentricités. Ce qui a manqué le plus à ce commencement de session, il faut le dire, c’est le sérieux, l’esprit de direction, le sentiment précis de la situation, et en définitive à quoi se réduit l’œuvre parlementaire de ce premier mois ? A une vérification de pouvoirs démesurément étendue et à l’ajournement de la seule question qui aurait dû être tranchée sans retard, celle de l’amnistie. Qu’est-ce donc que cette vérification de pouvoirs qui a traîné jusqu’à la dernière heure, qui n’est même pas achevée ? C’est certainement l’abus le plus étrange d’une omnipotence de majorité. Il ne s’est trouvé personne, si ce n’est un jour M. Léon Renault, qui n’a pas été écouté, pour dire qu’une vérification de pouvoirs n’est pas un procès instruit par une majorité contre un ministre qui a disparu ou contre une minorité. C’est une puérilité par trop naïve de poursuivre l’annulation d’un scrutin en commençant par dire : « On sent que l’influence de l’administration est partout, et cependant il faut reconnaître qu’on ne la saisit nulle part, tant elle sait se dissimuler. » Une assemblée n’a pas la mission de se livrer à ces subtilités d’interprétation, pas plus que d’ouvrir des cours de critique comparée sur les injures que s’envoient réciproquement des candidats. Elle est chargée simplement de constater la régularité ou