voyelles et toutes les consonnes. Assez vite, il est parvenu à donner le son des labiales ; il a eu besoin cependant de beaucoup d’attention pour vaincre la difficulté de distinguer l’une de l’autre sur les lèvres du maître. Un plus long effort a été nécessaire pour assurer le jeu de la langue et l’émission convenable du souffle dans l’articulation des consonnes qui réclament faiblement l’intervention des lèvres. Sachant l’alphabet, le sourd de naissance apprend à dire les syllabes et les phrases tracées sur le tableau. Enfin il parle et il est intelligible. Il écrit sous la dictée ; les yeux fixés sur la personne qui lui adresse des questions, avec assurance il fait les réponses. De la bouche de son instituteur il saisit tout sans éprouver d’embarras ; obligé d’être plus attentif devant les personnes étrangères, il lit néanmoins avec peu d’hésitation la parole nettement articulée. C’est le signe certain que les mêmes sons se produisent en général par les mêmes artifices. Quel signe encore de la surprenante délicatesse des impressions d’une vue exercée que le spectacle de la lecture sur les lèvres !
La voix des individus privés de l’ouïe, on l’a dit plus d’une fois, n’est nullement harmonieuse ; elle est gutturale, toujours plus ou moins rauque ; elle manque d’inflexions parce que les mouvemens des diverses parties de la bouche résultent d’efforts trop strictement déterminés. Chez le sourd-muet, l’organe semble obéir d’une manière imparfaite à la volonté ; il rappelle le jeu d’une machine. Tout le monde sait en effet qu’à des automates on prête une sorte de langage ; le moyen est assez simple et néanmoins fort curieux. Une anche libre, ajustée dans une cloison reposant sur un sommier acoustique, parle sous l’influence d’un courant d’air. Un tuyau pyramidal est-il adapté à la cloison, le timbré change, la main étant appliquée sur l’extrémité ouverte du tuyau, le son donne l’idée de la voix humaine. Que deux fois la main s’élève et s’abaisse avec rapidité, le mot maman résonne comme s’il était prononcé par un enfant[1]. Lorsqu’on ajoute à une série d’anches munies de tuyaux convenablement accordes des membranes susceptibles de rendre le bruit des consonnes, l’instrument imite la parole, au moins dans une faible mesure. Au siècle dernier furent construites des machines parlantes qui excitèrent l’admiration. À Vienne en Autriche, Wolfgang von Kempelen présenta un automate qui eut un succès d’éloquence[2]. Ces résultats cependant ne conduisirent pas à l’explication du véritable mécanisme de la voix humaine.
- ↑ À Londres, dans des conférences publiques, M. John Tyndall a plusieurs fois répété l’expérience. — Voyez de cet auteur l’ouvrage intitulé le Son, — On comprend que dans les automates un couvercle mobile remplace la main pour la fermeture du tuyau.
- ↑ Mechanismus der menschlichen Sprache, Wien 1791.