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l’Occident, un récent emprunt à l’étranger. Chez les Moscovites comme chez les autres Slaves, toutes ces dénominations de duc, comte, baron, étaient inconnues, par la raison que chez eux il n’y avait jamais eu de féodalité, jamais de duchés ou de comtés vassaux les uns des autres ou vassaux du pouvoir central. L’ancienne Russie ignorait toutes ces gradations de titres ; à vrai dire, elle ignorait même les titres héréditaires, et par là encore le dvoriansivo russe différait entièrement des noblesses de l’Occident. Il n’y avait qu’une exception, et cette exception confirmait manifestement la règle : c’était en faveur des membres de la famille souveraine, en faveur des branches collatérales de la dynastie régnante. Les descendans des kniazes, des princes apanages, ont continué à porter le titre de prince après la réunion de leurs principautés au domaine de Moscou. Toutes les autres dignités ou distinctions, la qualité de boïar en particulier, étaient viagères et accordées directement par le souverain. Ce n’est qu’en se rapprochant de l’Europe et en s’annexant des provinces longtemps soumises à l’influence germanique, que la Russie s’appropria quelques-unes des dénominations nobiliaires issues de la féodalité. Elle eut ainsi des comtes et plus tard des barons, mais pour ces qualifications il lui fallut emprunter des noms étrangers. A l’imitation des monarques de l’Occident, les successeurs de Pierre le Grand et de Catherine II se mirent à conférer des titres héréditaires. Ces distinctions du reste n’ont pas été aussi prodiguées qu’ailleurs ; si l’on met de côté le grand nombre de familles portant des titres d’origine étrangère, elles sont même demeurées relativement rares. Une soixantaine de comtes, une quinzaine de princes et un peu plus de barons, ces derniers pour la plupart gens de finance, c’est à peu près là le chiffre des titres créés par diplôme impérial. Tous sont naturellement de date plus ou moins récente, peu remontent à un siècle ; de même que des dorures trop neuves, la plupart gardent encore le poli luisant de la nouveauté, et, comme ils manquent de l’éclat sombre et mat de l’antiquité, les familles qui en sont décorées n’en peuvent toujours tirer grand prestige. L’origine de leur fortune est trop connue, et en Russie comme dans les autres cours de l’Europe, la faveur ou l’intrigue ont trop souvent usurpé ces récompenses honorifiques. Puis à côté même des familles titrées, il en subsiste de plus anciennes dont le nom est assez illustre pour n’avoir pas besoin d’être ainsi relevé. Les Narychkine, par exemple, sont demeurés sans titre et semblent tenir à honneur de n’en point porter.

Une chose frappe dans la haute noblesse russe, dans la znat pétersbourgeoise en particulier, c’est le grand nombre des familles d’origine étrangère. Une moitié peut-être de cette aristocratie russe provient du dehors ; elle est de sang tatare, géorgien, grec, valaque,